Le rapport Pochard sur le métier d'enseignant vient d'être rendu au ministre de l'Éducation, Xavier Darcos.

Comme toutes les commandes de ce genre, ce texte déborde de considération pour les professeurs et de sollicitude pour l'avenir des élèves. On a droit à un galimatias pédagogique préconisant davantage de liberté pour un enseignement différencié qui tienne compte - idée ô combien originale - des " réalités du terrain " ! Mais le seul point très concret et qui vise à une application immédiate est la volonté d'imposer aux enseignants de travailler plus, s'ils veulent gagner plus.

Le maître mot est " l'autonomie ", ce qui signifie en clair : " Débrouillez-vous avec les moyens du bord ! " Ainsi chaque établissement " autonome " choisirait son programme pour compléter le " socle commun " qui est le programme minimum imposé à tous. Il pourrait aménager les horaires des élèves, " annualisés par discipline, éventuellement répartis sur deux classes, etc. "

Derrière ce genre de mesure, sûrement susceptible de créer une belle pagaille dans l'organisation des emplois du temps, on voit pointer le véritable objet du débat : la modification des horaires des professeurs qui seraient, eux aussi, annualisés, plus " souples " pour remplacer un collègue absent, surtout s'ils se mettent à enseigner deux disciplines, comme le préconise le rapport. D'ailleurs on ajouterait un temps de présence obligatoire à leur temps d'enseignement proprement dit, solution que la commission avoue, en toute ingénuité, préférer " à celle des syndicats qui voudraient diminuer le temps d'enseignement pour permettre la concertation " ! Quant aux chefs d'établissement, investis de davantage de pouvoirs, ils pourraient être recrutés en plus grand nombre parmi les cadres du privé, mieux formés à la gestion " des ressources humaines " ; ils seraient ainsi capables d'évaluer les mérites des professeurs et de détecter " les enseignants qui posent problème ". Et un enseignant méritant serait évidemment celui qui fait des heures supplémentaires. De toute façon, on ne lui laisserait pas vraiment d'autre choix pour augmenter son salaire !

À la veille des municipales, après le rapport Attali, le rapport Pochard est un deuxième pavé dans la mare gouvernementale. Darcos a donc pris ses distances avec ce rapport et juré qu'il remettrait ses propres propositions... fin juin, comme par hasard juste avant les vacances ! Il n'est pas sûr que les enseignants attendent jusque-là pour montrer qu'ils ne sont pas d'accord.