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Leur société
Santé : L' aggravation de la médecine à deux vitesses
Un mois à peine après que les " franchises " sur les traitements ont été instaurées, Roselyne Bachelot invente maintenant le " devis " avant intervention. À quand l'envoi à la casse des incurables ? Selon un rapport de la très officielle Inspection générale des affaires sociales (Igas), en 2005, le montant total des dépassements d'honoraires des médecins - surtout les spécialistes et les chirurgiens - s'est élevé à plus de 2 milliards d'euros : le cinquième du fameux " trou " dont on nous rebat les oreilles !
Pour remédier à ces dépassements, dont la loi précise uniquement qu'ils doivent être pratiqués " avec tact et mesure ", la ministre de la Santé a son remède : pour les soins les plus coûteux (au-delà d'un seuil de 80 ou 100 euros, ce n'est pas encore fixé), elle propose de faire établir un devis par le praticien. Et qu'est-ce qu'on fait si c'est trop cher ? On va voir combien de médecins avant de pouvoir se faire soigner ? On abandonne quand ? Au hit-parade des cyniques, la ministre peut espérer une médaille !
Depuis des années, les gouvernements successifs ont laissé s'installer et s'amplifier une médecine à deux vitesses. Les déremboursements de médicaments, les franchises et autres forfaits non remboursables font qu'ils sont de plus en plus nombreux ceux qui hésitent ou renoncent à se rendre à la pharmacie.
Il en va de même pour les interventions chirurgicales. Les écarts de prix se creusent entre les hôpitaux publics où les délais d'attente dépassent souvent plusieurs mois et ceux du privé où tout va beaucoup plus vite. Partant du rapport de l'Igas, Le Canard Enchaîné relève " la prothèse de hanche à 225 euros dans le public et à 454 en clinique, le cristallin à 91 euros contre 200, une banale coloscopie à 60 euros contre 105. Parfois même beaucoup plus. "
La différence n'est pas perdue pour tout le monde. Les chirurgiens et les spécialistes qui pratiquent les dépassements d'honoraires en font leurs choux gras, les actionnaires aussi qui sont souvent les mêmes. Ainsi, la Générale de santé, qui regroupe aujourd'hui 175 cliniques privées, a versé 420 millions d'euros à ses actionnaires. Et, entre 2006 et 2007, elle se vante d'avoir vu son chiffre d'affaires augmenter de près de 10 %. Et, tout cela avec l'argent des assurés sociaux, avec les factures qu'elle présente à la Sécurité sociale.
Avec l'instauration de la " tarification à l'activité ", dite " T2A ", les hôpitaux publics et les cliniques sont rémunérés de la même manière. Leur budget est défini selon leur activité. Chaque acte, chaque intervention est codée et correspond à une enveloppe budgétaire. Il va sans dire que les cliniques privées ont fait leur choix : la chirurgie légère et l'hospitalisation rapide, les vésicules biliaires, les varices, cataractes, etc. Quant à l'hôpital public, il assure la chirurgie lourde et les hospitalisations longues, sans compter la formation des médecins.
Les cliniques privées s'engraissent avec l'argent public. Les hôpitaux publics dégraissent, ferment des services faute d'être " rentables ".