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Turquie : Politiciens et généraux d'accord pour faire couler le sang
" L'armée a pénétré pour la vingt-cinquième fois en Irak du nord, sous prétexte de lutter contre le PKK. Dans des conditions hivernales très rigoureuses, pendant huit jours, 10 000 soldats ont couru les montagnes. Le prix payé pour cette décision des généraux et des politiciens est, selon les informations officielles, de 24 soldats, 4 membres des forces auxiliaires et 240 membres du PKK tués. La presse étrangère fait état de pertes beaucoup plus importantes. Les sources kurdes, elles, indiquent environ 220 soldats et huit militants du PKK tués. En tout cas il faut ajouter les soldats morts à cause du froid glacial (il faisait jusqu'à - 30°).
Les généraux, sans vergogne, citent les dommages qu'ils ont causés, pour dire ensuite qu'il n'y a pas de solution militaire et qu'il faut résoudre le problème de " l'illettrisme et du chômage ". Le gouvernement est encore plus hypocrite. Erdogan et ses ministres jurent que " tout est sous leur contrôle " mais ne disent mot sur les morts, les destructions et les violences exercées sur ceux qui ont manifesté contre la guerre.
Le Premier ministre qui, il y a quelques mois à peine, déclarait haut et fort qu'" il faut une solution politique " et que " pour les intérêts de la patrie " il était prêt à rencontrer n'importe qui, se disputant même avec le chef d'état-major, est devenu soudainement le plus grand partisan de l'armée. Le gouvernement, qui avait suscité l'espoir d'une solution il y a quelques mois pour recueillir les voix des électeurs, a maintenant permis aux généraux d'occuper le premier plan. Cela n'est pas une nécessité, c'est un choix, fait bien sûr dans un cadre que nous ne connaissons pas, avec les États-Unis et également les dirigeants irakiens. Par contre il est clair que ce choix ne va pas dans le sens de la solution des problèmes du peuple kurde, sans compter qu'il a nui à toute la population.
Le peuple kurde qui vit en Turquie subit une discrimination et une répression depuis le début de la formation de la république. Après le coup d'État militaire de 1980, le régime militaire avait duré deux ans dans les régions de l'ouest, mais par contre plus de vingt-quatre ans dans les régions kurdes. De plus, selon l'expression officielle à l'époque, le PKK était " une poignée de voyous ". Dans les régions kurdes, le chômage, la misère, la répression et la discrimination atteignent des sommets. (...)
La politique appliquée par les gouvernements turcs a été d'ignorer le peuple kurde, d'écraser ceux qui réclamaient leurs droits, de rejeter ceux qui n'approuvaient pas leur politique, de brûler et détruire les villages, de fusiller les gens avec les forces de l'armée et de la police.
Les généraux disent qu'entre 1985 et 2008 ils ont tué 35 000 membres du PKK. Pour arriver à quel résultat ? Les Kurdes sont face aux mêmes problèmes. La guerre en cours est en train de pourrir l'ensemble de la société en la mettant sous la menace des militaires (...). Cet état de guerre exalte les sentiments nationalistes et les divisions. Les médias, qui obéissent aux généraux - comme la chaîne de télé Fox (appartenant à un patron américain) qui se fait la championne des sentiments nationalistes et pousse à la guerre -, n'aident pas à une solution négociée, mais favorisent les divisions et l'exclusion. Que peuvent ressentir les travailleurs kurdes qui travaillent dans la même entreprise que les travailleurs turcs, quand on fait l'éloge de l'assassinat de jeunes Kurdes ?
Les politiciens sans vergogne n'hésitent pas, pour leurs petits intérêts, à instrumentaliser le foulard, à diviser les Kurdes entre " ceux qui soutiennent l'État et ceux qui sont contre l'État " et même, à certaines occasions, à utiliser les méthodes sanglantes... pour faire oublier la crise économique, pour faire passer les attaques comme celles envers la Sécurité sociale. Car ces politiciens ne se préoccupent que des intérêts des patrons qui les ont mis au pouvoir.
La question kurde ne sera pas résolue tant que le peuple kurde n'aura pas ses droits, y compris celui d'avoir son propre État. Mais seuls ceux qui partagent les mêmes problèmes, c'est-à-dire les travailleurs turcs et kurdes, pourront le faire entrer dans les faits, et non ceux qui sont les privilégiés de cette société. "