Égypte : Luttes pour le pain, luttes pour les salaires27/03/20082008Journal/medias/journalnumero/images/2008/03/une2069.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Égypte : Luttes pour le pain, luttes pour les salaires

Depuis le début de l'année, le prix des produits alimentaires de base a fortement augmenté en Égypte. Une grande partie de la population est obligée de se rabattre sur le pain, dont le prix a lui aussi explosé, suivant celui de la farine. Des millions d'Égyptiens aux très faibles revenus n'ont d'autre solution que de faire la queue devant les boulangeries qui vendent les galettes de pain à prix subventionné.

Ainsi dès 6 heures du matin, avant le travail, avant l'école, des mères de famille, des enfants, des salariés doivent se masser dans des files d'attente, plusieurs heures parfois, pour acquérir les galettes qui vont nourrir la famille. Les queues, du fait que les quantités sont insuffisantes pour tous, provoquent souvent des bousculades. Quinze personnes auraient même trouvé la mort dans différentes régions dans des bagarres causées par la pénurie de pain. Il faut dire que le prix du pain non subventionné peut atteindre dix fois celui de la galette subventionnée. Les hausses sont quotidiennes, à tel point qu'en trois mois, selon des observateurs de l'ONU, le budget alimentaire moyen aurait augmenté de 50 %. Le riz et les pâtes flambent, le kilo de riz est passé en une journée de 3,50 à 4 livres, soit 0,50 euro, un euro équivalant à 8 livres égyptiennes. De même, le litre d'huile non subventionné est à 10 livres, le kilo de poulet à 50 livres en moyenne, ayant doublé en deux mois. La viande a ainsi disparu de l'alimentation de beaucoup de familles.

Ces prix peuvent paraître bas, vus de l'Occident. Mais le salaire mensuel de millions d'ouvriers et d'employés, en particulier dans les services de l'État, est à peine de l'ordre de 200 livres (24 euros). Bien sûr, il y a des salaires plus élevés que ce minimum, obtenus à coup de primes, d'heures supplémentaires, ou en cumulant plusieurs emplois. Mais de toute façon c'est très insuffisant pour se loger, circuler et nourrir une famille, et la survie est une préoccupation permanente.

Les manifestations de colère sont de plus en plus fréquentes. En février, des milliers de travailleurs du textile se sont rassemblés à Ghazl al-Mahalla, au nord du Caire, pour protester contre les hausses des prix alimentaires et exiger une augmentation radicale du salaire minimum à l'échelle du pays. La somme avancée était de 1 200 livres (144 euros). L'Union syndicale officielle réclame d'ailleurs elle-même que le salaire minimum atteigne 800 livres. En décembre, c'étaient les employés des impôts qui avaient, lors d'un sit-in, exigé que leur salaire moyen passe de 300 à 1 500 livres. Tout récemment les médecins, débutant avec un salaire de base de 200 livres, ont réclamé un minimum de 1 000 livres. Devant ces manifestations, le Premier ministre Nazif n'a trouvé à répondre qu'en évoquant l'illégalité de la grève en Égypte. Le président Moubarak, quant à lui, a demandé à l'armée et au ministère de l'Intérieur de veiller à l'approvisionnement en pain.

Dans un pays où près de la moitié des 80 millions d'habitants doivent vivre avec deux dollars ou moins par jour, une inflation atteignant officiellement 12,5 % fin février - en réalité sans doute bien supérieure - ne peut que faire monter la colère dans les villes et les villages. La couche de parasites repus qui étalent leur richesse dans l'entourage de la famille Moubarak, de l'appareil d'État, et des états-majors des firmes nationales ou internationales, devrait se souvenir des émeutes des affamés survenues en 1977, lorsqu'Anouar el-Sadate avait, sous la pression du Fonds monétaire international, décrété la fin des subventions sur les produits de base de l'alimentation et avait dû rapidement reculer.

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