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Leur société
Crise financière : Le cinéma de Sarkozy
« Lorsque des banques prennent le prétexte d'un dépassement de découvert de 20 euros pour couper une ligne de trésorerie, lorsqu'un investissement financé il y a quinze jours devient subitement infinançable, ce sont des comportements intolérables, qui ne seront d'ailleurs pas tolérés. (...) J'appelle les banques à leurs responsabilités. Dans les circonstances très exceptionnelles que nous traversons, les entreprises, notamment les plus petites, ont plus que jamais besoin de visibilité et de stabilité dans leurs financements bancaires. »
C'est ainsi que Sarkozy a parlé jeudi 30 octobre, alors qu'il réunissait à l'Élysée les dirigeants des plus grandes banques du pays avec les préfets et les trésoriers-payeurs généraux. Il s'agissait, paraît-il, d'inciter les banquiers à injecter vraiment dans l'économie les centaines de milliards d'euros que l'État vient de leur allouer, et d'exiger des hauts fonctionnaires qu'ils surveillent les banquiers et s'assurent que ceux-ci feront bien ce que Sarkozy leur intime de faire...
Aux préfets et aux trésoriers généraux - ces hauts fonctionnaires qui gèrent les finances publiques au niveau départemental - Sarkozy a confié le rôle du gendarme. Dans leurs fiefs respectifs, ils devraient, si on l'en croit, partir à la chasse au banquier convaincu de comportement « intolérable ». Il leur faudrait alerter le médiateur national - mis en place pour l'occasion - dès lors qu'un particulier ou une entreprise aura des difficultés à obtenir un prêt. Et le président de les exhorter à « ne pas hésiter à dénoncer l'inacceptable devant les médias », ajoutant : « Je vous demande d'être réceptifs, réactifs, et mobilisateurs. »
Enfin, face à tout ce beau monde, Sarkozy a souligné le « pacte moral » passé entre les banques et la nation pour résoudre la crise.
Ainsi, si l'on en croit cette démonstration à l'usage du public, il suffirait que le président donne l'ordre aux banquiers de respecter la moralité, et exige des hauts fonctionnaires de l'État qu'ils fassent appliquer ses ordres, pour que... l'économie redémarre. Mais qui peut raisonnablement penser que les banquiers tremblants vont être impressionnés par un tel discours ? Par définition, ceux-là n'agissent qu'en fonction de la rentabilité de leurs capitaux et des profits qu'ils peuvent espérer amasser, et sont plus habitués à faire plier les gouvernants à leurs désirs qu'à se faire commander par eux.
Ce n'est pas des discours qui vont obliger les banques à injecter dans la production les centaines de milliards d'euros que l'État vient de leur offrir, à les prêter aux petites entreprises ou aux particuliers qui en ont besoin. Elles les utilisent et les utiliseront évidemment comme bon leur semble : pour se refaire une santé après les pertes des mois écoulés, pour spéculer en profitant des bonnes occasions offertes par « les marchés », pour que les grosses banques rachètent les plus petites et deviennent plus grosses encore, pour accroître toujours leur fortune, au mépris de l'intérêt général !
Que voulez-vous, il faut bien que Sarkozy fasse son travail, qui est de faire croire aux braves gens que les centaines de milliards offerts aux banques le sont dans l'intérêt de tous... et que, si les banquiers ne l'entendaient pas ainsi, Super-Sarko y veillerait.