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Guadeloupe - Grève générale reconductible depuis le 20 janvier : La population se mobilise
Une grève générale reconductible, à partir du mardi 20 janvier, et une mobilisation populaire de grande ampleur ont été déclenchées en Guadeloupe par un collectif d'une quarantaine d'organisations syndicales, politiques et de plusieurs associations.
Ce même jour, plus de 7 000 personnes, en grande majorité des travailleurs, ont manifesté à Pointe-à-Pitre. Dans les entreprises, la grève a été massive. Avec 100 % de grévistes, la mairie de Pointe-à-Pitre a dû fermer. Même pourcentage de grévistes à l'ONF, dans les transports, dans l'enseignement, à la Sécurité sociale, au grand hôtel Manganau (75 % dans le reste de l'hôtellerie), 100 % encore dans le BTP chez Colas, à la Sauri, 95 % à la Générale des Eaux, au Pôle Emploi, gros rassemblement au CHU de Pointe-à-Pitre, ces hospitaliers allant ensuite défiler en ville pour faire débrayer d'autres travailleurs...
Les organisations initiatrices de ce mouvement ont présenté une longue liste de revendications dont les principales sont :
- la baisse immédiate de 50 centimes du prix des carburants,
- la baisse des prix de tous les produits de première nécessité et de tous les impôts et taxes,
- une augmentation du salaire minimum de 200 euros net,
- la baisse du prix de l'eau et des transports de passagers,
- la titularisation de tous les précaires publics et privés.
Parmi ces organisations, on trouve quasiment toutes les grandes centrales syndicales : CGTG, UGTG, FO, CTU, CFDT, le syndicat enseignant SPEG, des organisations politiques dont le Parti Communiste Guadeloupéen, Combat Ouvrier, l'UPLG, Les Verts et une kyrielle d'associations professionnelles, d'agriculteurs, de pêcheurs, associations de locataires. Les associations et groupes de carnaval très populaires et rassemblant de nombreux jeunes se sont associés au collectif comme AKIYO , Voukoum, Kamodjaka et d'autres.
Au matin du 20 janvier, plusieurs barrages routiers avaient été érigés par les manifestants, bloquant la circulation en de nombreux points de l'île. Les forces de police intervenaient pour les enlever, mais selon leurs propres propos sur les ondes, ces barrages se reformaient tout de suite après leur passage et elles avouaient elles-mêmes leur impuissance.
Dans un grand nombre d'entreprises, les travailleurs ont voté la grève en assemblée générale. Partout, le mouvement a rencontré adhésion et sympathie parmi les travailleurs et la population. Dans la zone dite industrielle de Jarry, très tôt, le 20 janvier, de nombreux piquets de grève ont fait leur apparition devant les entreprises.
Les raisons du mécontentement sont multiples, mais les plus importantes sont la hausse du prix des carburants, la hausse vertigineuse des prix en général, les bas salaires, les licenciements, le chômage. Les travailleurs de l'hôtellerie particulièrement expriment une grande colère après la fermeture de deux grands hôtels dont Anchorage et Kalenda ayant provoqué près de 160 licenciements.
Le mouvement de protestation du collectif avait commencé dès les 16 et 17 décembre derniers. Plus de 5000 manifestants avaient défilé dans les rues de Pointe-à-Pitre et ensuite de Basse-Terre.
Le préfet, Nicolas Desforges, qui avait donné rendez-vous au collectif, le 17 décembre à la préfecture, avait alors refusé de recevoir une délégation composée d'un représentant par organisation, c'est-à-dire 31, à l'époque. Il n'en acceptait que 15. Ce qu'avait refusé le collectif, d'autant que les grilles de la préfecture étaient fermées et gardées par une cohorte de CRS en tenue de combat.
Ce même préfet a fait, le 19 janvier, une déclaration menaçante en annonçant qu'il avait donné de " fermes instructions aux forces de l'ordre ", avant de dire que sa " porte était ouverte ". En un mot : on réprime d'abord, on discute ensuite. Ses propos et son ton ne sont pas sans rappeler les préfets de l'époque coloniale
Au cours des dernières semaines, avant et après les fêtes de fin d'année, le collectif a tenu une longue série de meetings dans toute l'île, rassemblant partout des centaines de personnes, de Bouillante à Saint-François, en passant par Basse-Terre et Pointe-à-Pitre.
Lundi 19 janvier, un meeting s'est tenu devant plus de 400 personnes devant le palais de la mutualité à Pointe-à-Pitre qui apparaît comme le quartier général du mouvement. Mardi 20 janvier, tous les militants devaient se rendre à 9 heures en ce lieu. Samedi 24, une grande manifestation de rue est prévue à Pointe-à-Pitre. Et, dimanche 25, le défilé carnavalesque prévu comme d'habitude en cette période se transformera en défilé de protestation sous la forme de scènes de dérision du pouvoir et des patrons.
Les stations-service sont toutes fermées, en raison d'un double mouvement : à savoir la grève des employés, mais aussi la décision de fermeture des gérants qui protestent contre la création de nouvelles stations. Ces gérants qui de toute façon auraient vu leurs stations fermées par les travailleurs ont donc aussi cherché à profiter de la situation.
En tout cas, depuis vendredi 16 janvier, on a vu se former des files interminables devant les stations afin que les chauffeurs fassent leur plein le plus vite possible.
Plus les informations parviennent, plus il apparaît qu'une paralysie progressive est en train de gagner toute l'île. Si, comme l'ont dit les représentants syndicaux et autres représentants politiques, le mouvement ne s'arrêtera pas tant que les revendications ne seront pas satisfaites, on peut penser qu'il va se poursuivre. Mais tout dépendra en dernier ressort de la mobilisation et de la détermination des travailleurs ainsi que de l'ensemble de la population, au-delà même de celles du collectif d'organisations. Pour l'heure en tout cas, cette détermination est forte !
Mercredi 21, alors que centralement les syndicats appelaient à reconduire la grève, dans beaucoup d'entreprises se tenaient des assemblées générales qui décidaient de la poursuivre. Et maintenant, tout le monde a à coeur de préparer la grande manifestation du samedi 24 janvier.