Grande-Bretagne : Total recule devant les grèves sauvages... les leaders syndicaux offrent leurs bons offices03/07/20092009Journal/medias/journalnumero/images/2009/07/une2135.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Grande-Bretagne : Total recule devant les grèves sauvages... les leaders syndicaux offrent leurs bons offices

Le 29 juin, Total a dû reculer dans le bras de fer qui l'opposait aux ouvriers qualifiés sous-traitants de sa raffinerie de Lindsey.

Début 2009, ces ouvriers avaient fait parler d'eux par une grève sauvage contre l'emploi d'ouvriers étrangers sous-payés sur le site, qui avait fait tache d'huile. Malgré sa combativité, ce mouvement corporatiste avait de forts relents nationalistes, voire xénophobes. Il s'était terminé par une victoire à la Pyrrhus, où l'embauche prévue d'ouvriers étrangers avait été annulée, sans que cela crée les « emplois britanniques pour les travailleurs britanniques » revendiqués par les grévistes.

La solidarité contre les provocations de Total

Mais la grève sauvage qui a éclaté le 11 juin avait un autre caractère. Cette fois, c'est le licenciement de 51 ouvriers et le refus d'un autre sous-traitant du site cherchant des qualifications similaires de les reprendre, contrairement à l'usage, qui a mis le feu aux poudres : pour les ouvriers, Total entendait sanctionner les 51 pour faits de grève. Aussitôt ils décidèrent la grève.

Dans les jours qui suivirent, Total riposta en licenciant 600 grévistes. Depuis près d'un an que l'on voit des grèves sauvages sur les chantiers, c'était la première fois qu'un patron arguait de leur « illégalité » pour licencier des grévistes.

Mal en a pris à Total. D'une grève limitée à Lindsey, il a fait un mouvement qui s'étendait à d'autres raffineries, des chantiers de centrales thermiques et nucléaires, des usines de la chimie lourde et même des chantiers navals.

Bien sûr, ces grèves de solidarité ne touchaient que les ouvriers sous-traitants de la construction industrielle. Mais l'effet boule de neige fut tel que Total fit machine arrière dès le 17 juin, annulant les 600 licenciements pour les remplacer par la réembauche individuelle de 427 grévistes, moyennant un « entretien satisfaisant ».

Il était clair que Total voulait se débarrasser des « fauteurs de grève » et user du chantage à l'emploi sur les autres. Aussi le 22 juin, date de remise des formulaires de « réembauche », des centaines de grévistes, accompagnés de supporters d'autres sites, se présentèrent aux portes de Lindsey pour faire un gigantesque feu de joie avec les lettres individuelles de Total.

L'entrée en scène des appareils syndicaux

Les grévistes reprirent alors l'initiative, préparant par exemple une manifestation au siège de Total à Paris, tandis que les grèves de solidarité continuaient. Du coup, Total chercha un moyen de calmer le jeu, ce que les leaders syndicaux, restés à l'arrière-plan, allaient lui offrir.

Des négociations qui s'ensuivirent, entre Total et la direction des syndicats GMB et Unite, sortit un accord, entériné le 29 juin par les grévistes. Sur les enjeux du bras de fer, l'accord donnait satisfaction aux grévistes : la réintégration pure et simple des 427, tandis que les 51, dont le licenciement avait été la cause initiale du conflit, se voyaient garanti un emploi sur site et leur salaire de base jusqu'à l'obtention d'un poste.

En revanche, cet accord ne répond pas au sous-emploi des ouvriers de ce secteur (avec un taux de chômage estimé à 33 %), cause de la plupart des mouvements récents. C'est ainsi qu'il ne garantit que quatre semaines de travail aux ouvriers du site, sans prévoir de réduction de la semaine de travail moyenne (44 heures hors heures supplémentaires).

Cet accord révèle aussi le but réel des appareils syndicaux et pourquoi, contrairement à leur pratique constante, ils ne se sont pas opposés à ces grèves sauvages. Une clause y prévoit qu'un permanent syndical (non désigné par les ouvriers) sera désormais affecté en permanence à Lindsey pour collaborer avec la direction à « l'élaboration de sa politique d'embauche » - formule élégante pour dire que les leaders syndicaux se portent volontaires pour aider les patrons à organiser les suppressions d'emplois. C'est d'ailleurs l'un des points de l'accord national pour lequel les deux syndicats font campagne depuis des mois.

Voilà le nouveau rôle que les appareils syndicaux britanniques se sont trouvé dans la crise, et qu'ils jouent déjà dans certains secteurs, comme La Poste par exemple.

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