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- Lutte ouvrière n°2145
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Editorial
Gabon : La dynastie Bongo au service de Total et compagnie
Depuis le jeudi 3 septembre, Port-Gentil, deuxième ville et capitale économique du Gabon, est secouée par de violentes manifestations de colère. Le consulat français a été incendié, un commissariat pris d'assaut par des manifestants et les bâtiments de la société pétrolière Total attaqués. Les affrontements avec l'armée ont déjà fait deux morts.
La colère qui a explosé à Port-Gentil et qui s'est exprimée aussi à Libreville, la capitale, a fait suite à l'annonce officielle que l'élection présidentielle a été remportée par Ali Bongo, fils d'Omar Bongo qui a régné pendant 42 ans sur le Gabon.
La France s'est dépêchée de reconnaître cette succession dynastique alors que l'élection a été manifestement truquée. Truquée bien avant même le jour de l'élection, tant le vieux dictateur avait tout fait pour que la présidence reste dans la famille en nommant son fils ministre, dès l'âge de 30 ans et, en dernier, ministre de la Défense.
Au-delà des manoeuvres avant et après l'élection, c'est bien l'explosion de colère qui montre que le peuple gabonais ne veut pas de la perpétuation du règne d'une famille dont le fondateur détenait le record de la plus longue dictature en Afrique.
Le foyer de l'explosion contre Ali Bongo, ce sont les bidonvilles de Port-Gentil. Si le pays est riche, sa population est pauvre. Le Gabon est non seulement un des principaux producteurs de pétrole en Afrique, mais il est aussi le troisième producteur mondial de manganèse, sans parler de ce que rapportent les exportations des essences rares de la forêt tropicale. Mais de cette richesse, la majorité de la population gabonaise ne voit pas la couleur.
Le pétrole, le manganèse, l'uranium ont fait de la famille Bongo une des plus riches d'Afrique, possédant en France des immeubles luxueux et de grandes propriétés, pendant que Libreville et Port-Gentil sont entourées de bidonvilles.
Mais si la famille Bongo s'est enrichie en laissant son peuple dans la misère, d'autres se sont enrichis infiniment plus encore. Le pétrole du Gabon profite à Total, le manganèse à Eramet, autre grand trust français faisant partie du CAC 40. Ce sont ces trusts-là et quelques autres de moindre envergure qui vident le Gabon de ses richesses naturelles au profit de leurs actionnaires, en arrosant généreusement au passage le clan Bongo.
Une grande partie de la presse traite les manifestants de pillards. Mais que représente le saccage de quelques commerces en marge des manifestations, à côté du pillage de ces trusts qui laissent le pays sans écoles, sans infrastructures, hormis celles qui sont nécessaires à l'évacuation des richesses, et sa population dans la misère ?
Les autorités françaises, faisant mine de s'étonner de la rage des manifestants contre la France, jurent, la main sur le coeur, que la France a été totalement neutre dans cette élection !
Neutre, l'État français ?
Mais c'est la protection de l'État français sous tous les gouvernements qui a permis à Bongo de s'installer au pouvoir et d'y rester. L'armée française est présente en permanence dans le pays. Ce sont les paras français qui ont sauvé Omar Bongo en 1990 contre un mouvement de protestation populaire. Ce sont eux qui, en 1964, avaient sauvé son prédécesseur Mba.
Cette fois encore, Kouchner, ministre de Sarkozy, a demandé que le dispositif militaire français soit mis en alerte pour « protéger les ressortissants français au Gabon ».
Les jours qui viennent montreront si l'armée gabonaise suffira pour étouffer par la répression le cri de colère de la population ou si le gouvernement français fera intervenir ses propres troupes.
L'armée française aura servi alors, une fois de plus, à défendre contre son propre peuple un régime corrompu, mais dévoué aux trusts français.
La solidarité des travailleurs doit aller aux classes pauvres du Gabon en révolte contre un régime pourri mais tout autant contre le grand capital qui vide le pays de ses richesses et maintient la population dans la pauvreté. Les pilleurs du Gabon et de l'Afrique sont, aussi, nos exploiteurs ici.
À bas les interventions françaises au Gabon ! Dehors, l'armée française, d'Afrique comme d'Afghanistan !
Arlette LAGUILLER
Éditorial des bulletins d'entreprise du 7 septembre