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- Lutte ouvrière n°2149
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Affaire Ben Barka : Rien n'arrête la lenteur de la justice
En octobre 2007, un magistrat parisien avait lancé quatre mandats d'arrêt internationaux dont deux contre des généraux marocains impliqués dans l'affaire Ben Barka. Le ministère français de la Justice a récemment donné son feu vert pour que des poursuites soient engagées. Mais il n'a fallu que quelques jours pour que ces poursuites soient suspendues. Quarante-quatre ans après l'enlèvement de Ben Barka, la justice reste donc aux aguets, mais son glaive ne s'abat toujours pas. Ce n'est pourtant pas faute d'ignorer ce qui s'est passé et de connaître les responsables.
Le 29 octobre 1965 Mehdi Ben Barka, ancien dirigeant du Parti de l'Indépendance et premier président de l'Assemblée nationale du Maroc, mais surtout opposant à la dictature du roi Hassan II, nationaliste tiers-mondiste, était interpellé par deux policiers français en plein centre de Paris, à Saint-Germain-des-Prés, et ne devait plus reparaître. Livré à des truands, qui travaillaient eux-mêmes pour les services secrets marocains, il fut assassiné et son corps n'a jamais été retrouvé.
L'enquête sur l'enlèvement révéla un écheveau de complicités liant inextricablement services secrets marocains et français, police française, truands, hommes de main des réseaux gaullistes, allant même jusqu'au ministre de l'Intérieur de l'époque. Devant le scandale, de Gaulle fit mine de faire le ménage et deux procès eurent lieu en 1966 et 1967, qui envoyèrent en prison quelques comparses et condamnèrent par contumace le général Oufkir, ministre de l'Intérieur de Hassan II, et les truands qui s'étaient réfugiés au Maroc.
Au fil des années, un certain nombre de participants ou de témoins finirent par parler, confirmant ce que l'on savait de l'enlèvement et de l'assassinat. Sur les instances du fils de Ben Barka, en 2000, les autorités françaises ont accepté d'ouvrir les archives des services secrets concernant l'affaire. À peu près toutes les personnalités françaises et marocaines les plus impliquées étant mortes, les deux généraux marocains aujourd'hui visés par les mandats d'arrêt ne pouvaient à l'époque être que des comparses, vu leur jeune âge.
À supposer que les mandats d'arrêt aient été confirmés, à supposer que le régime marocain ait accepté de les exécuter, ils n'auraient sans doute rien révélé de bien nouveau sur cet assassinat politique, ni sur la complicité de membres de l'appareil d'État français qui l'ont permis. Vieille histoire sans doute, mais révélatrice du comportement de services de police qui ne répugnent pas à mettre leur savoir-faire au service des basses oeuvres d'une dictature impitoyable... mais amie. Et c'est évidemment parce que cette amitié court toujours que le gouvernement français a coupé court à l'exécution de ces mandats d'arrêt.