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Espagne - La nouvelle loi sur l'avortement : Un tant mieux pour les femmes
Dans un avenir proche, il est vraisemblable que le projet de loi sur l'interruption volontaire de grossesse, approuvé par le Conseil des ministres, sera adopté par le Parlement espagnol.
Cette loi reconnaîtra le droit pour les femmes d'interrompre une grossesse non désirée dans les 14 premières semaines, sans avoir besoin de trouver un médecin justifiant cette décision par des raisons médicales. Elle donnera aussi aux jeunes femmes mineures le droit de prendre leur décision sans demander aux parents de les y autoriser et sans les en informer.
Jusqu'à présent, l'avortement est pratiqué en Espagne de façon légale à condition qu'il soit reconnu que la grossesse met en danger la santé physique ou psychique de la femme. Il est aussi autorisé bien sûr en cas de malformation du foetus.
La loi actuellement en vigueur date de 1985, dix ans après la fin de la dictature franquiste sous laquelle l'avortement était considéré comme un crime ; même le divorce était interdit et la publicité pour la contraception bannie. Le gouvernement socialiste de Felipe Gonzalez s'était contenté d'une libéralisation a minima. Le fait que l'avortement restait un acte « punissable » sauf exceptions constituait une sérieuse concession aux réactionnaires, aux milieux les plus conservateurs, liés à l'ancien appareil d'État, à l'Église.
Il aura donc fallu près d'un quart de siècle encore pour qu'un autre gouvernement socialiste ose mettre l'Espagne au niveau des autres pays européens comme la France et l'Angleterre ou l'Allemagne, sans pour autant oser encore faire de l'interruption volontaire de grossesse un acte médical non seulement gratuit dans les hôpitaux publics (il l'est déjà actuellement), mais aussi remboursé par la Sécurité sociale du pays, quel que soit l'établissement où il est pratiqué.
Bien sûr, le nouveau projet de loi du gouvernement Zapatero a soulevé une fois de plus un tollé. Le parti de droite, le Parti Populaire, le gratin de l'Eglise, les associations pour le « respect de la vie » avaient appelé à une manifestation qui, le 17 octobre, a fait descendre dans les rues de Madrid des dizaines et des dizaines de milliers de personnes (près d'un million prétendent les organisateurs). Aznar lui-même, ancien chef du gouvernement et ex-numéro un du Parti Populaire (le PP), était en tête de cette manifestation aux côtés des sommités de l'Église.
Mais cette démonstration, qui met en évidence l'existence dans le pays - y compris dans les classes populaires - d'une opinion conservatrice et réactionnaire, hostile au gouvernement parce qu'il a une étiquette socialiste, a peu de chances de faire reculer Zapatero.
Au moment où, sur le plan économique et social, le gouvernement de José Luis Zapatero défend les intérêts des capitalistes, des industriels et des banquiers aux dépens des classes populaires minées par les conséquences du chômage et de la baisse du pouvoir d'achat, Zapatero a tout intérêt à conforter son image d'homme de progrès, d'homme de gauche soutenant la cause des femmes. Cette réforme de la législation concernant l'IVG, comme celle datant de l'an dernier concernant la lutte contre les violences faites aux femmes, se situe sur ce terrain où le numéro un du PSOE peut apparaître comme un homme capable de faire face aux pressions les plus réactionnaires d'une droite obscurantiste qu'une partie de l'électorat de droite ne cautionne plus, notamment sur ce problème précis des droits des femmes.
Tant mieux donc si cette prochaine loi passe, même si elle ne réglera pas tous les problèmes, entre autres ceux liés au refus d'une partie du personnel médical de pratiquer des avortements, ou encore ceux-liés au non-remboursement des IVG faites dans le secteur privé. Et ce sera sans nul doute aux femmes et à leur combat - avec tous ceux qui les soutiennent - de faire avancer les mesures en leur faveur.