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Turquie : Deux provocations contre les Kurdes
Fin juillet, dans deux villes de Turquie, la population locale d'origine kurde a subi des attaques violentes, auxquelles l'action de militants d'extrême droite cherchant à attiser le nationalisme et la haine contre les Kurdes n'est pas étrangère.
C'est d'abord à Inegöl, petite ville proche de Bursa, à l'ouest du pays, que selon la grande presse trois hommes auraient pénétré dans un café et y auraient poignardé cinq personnes, le 25 juillet. En fait, au départ, un incident banal entre un conducteur de minibus d'origine kurde et des jeunes pour une question d'argent a dégénéré en agression contre celui-ci. Des militants d'extrême droite, bien implantés dans le quartier, ont commencé à exciter des jeunes proches d'eux, notamment de jeunes chômeurs. Des bagarres ont eu lieu, faisant des blessés du côté de l'extrême droite. La police est intervenue, arrêtant plusieurs jeunes kurdes et les emmenant au commissariat.
Ensuite des réseaux d'extrême droite ont prévenu, notamment par portables, plusieurs milliers de jeunes qui ont commencé à assiéger le commissariat et exigé qu'on leur livre les jeunes kurdes pour les lyncher. Après le refus de la police, c'est avec celle-ci que les bagarres ont éclaté. Plusieurs dizaines de policiers ont été blessés, des cars et des voitures de police incendiés. La foule s'est ensuite dirigée vers le quartier où vit la population kurde, incendiant des commerces mais aussi quelques maisons et voitures.
Le lendemain, des représentants du gouvernement, notamment le préfet de Bursa, se sont rendus sur place, minimisant les incidents, expliquant qu'il ne s'agissait que de bagarres entre voyous alcooliques, niant avec aplomb l'existence d'une attaque organisée par l'extrême droite contre les Kurdes. Habituellement très virulentes contre les nationalistes kurdes ou les militants de gauche ou d'extrême gauche, les autorités étaient très compréhensives pour les fauteurs de troubles d'extrême droite...
Mais le 26 juillet, c'est à Dörtyol, une petite ville de la région du Hatay proche de la frontière syrienne, que le même scénario s'est produit. À la suite de la mort de quatre policiers, attribuée aux nationalistes kurdes du PKK, plusieurs centaines de jeunes militants ou sympathisants d'extrême droite ont commencé à attaquer les Kurdes, brûlant leurs commerces et des maisons. Cette fois ceux-ci ont pu se défendre dans une certaine mesure en se repliant dans leur quartier. Mais les tensions ont continué pendant plus de quatre jours.
Cependant, selon certaines informations connues le 1er août, la voiture utilisée pour le meurtre des policiers aurait appartenu en fait à l'un des leaders d'extrême droite de la région. Celui-ci a alors déclaré qu'il avait été kidnappé et gardé plusieurs heures, ce qui aurait permis aux assassins des policiers de disposer de sa voiture... Là aussi il y a un curieux hasard qui sent la provocation.
En fait, les accrochages entre le PKK et l'armée ou la police ont repris depuis le début de l'été. L'extrême droite utilise cette situation pour attiser les tensions et recruter dans la population turque, notamment parmi les jeunes chômeurs. À Inegöl par exemple, plus de 40 % des jeunes seraient sans travail. La majorité des Kurdes de ces régions, eux-mêmes souvent réfugiés de l'est du pays, sont en général encore plus exploités et misérables. Mais le fait qu'une petite minorité d'entre eux ait une situation et des commerces florissants suffit à attiser la haine en les traitant de voleurs d'emplois.
Heureusement, rien ne dit que la majorité de la population tombe dans ce panneau : Turcs et Kurdes vivent depuis longtemps ensemble, notamment au sein de la classe ouvrière. De récentes luttes, comme celle des travailleurs du monopole d'État Tekel contre la privatisation, ont montré qu'ils savaient faire front ensemble sans laisser prise à ce type de divisions.