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Haïti : L'aide humanitaire n'atteint pas les camps de sinistrés
Le numéro du 30 juillet de La Voix des Travailleurs, mensuel trotkyste édité en Haïti par l'Organisation des travailleurs révolutionnaires (OTR), fait le bilan de l'utilisation des fonds collectés après le séisme du 12 janvier dernier. Nous en publions des extraits.
« La première quinzaine du mois de juillet était consacrée au bilan, six mois après le séisme du 12 janvier qui a fait des centaines de milliers de morts, des dizaines de milliers de blessés, graves pour la plupart, et a poussé dans des camps de fortune environ deux millions de sans-abri (...). Outre l'aide en nature, des milliards de dollars US furent collectés en un laps de temps record de par le monde. Mais six mois après, les commentateurs politiques, la presse nationale et internationale s'accordent à reconnaître que pas grand-chose n'a changé dans les conditions de vie des sinistrés, entassés comme des sardines dans les camps. (...) L'écrasante majorité y croupit toujours dans des conditions révoltantes, malgré les milliards drainés en leur nom. (...)
L'État haïtien, qui est le plus gros propriétaire terrien du pays, prétend qu'il ne dispose pas de terrains pour construire des logements sociaux en vue d'héberger les sinistrés ! Mais qu'est-ce qui empêche nos gouvernants de réquisitionner tous les terrains vides, où qu'ils soient, quels qu'ils soient, pour reloger ces centaines de milliers de personnes ? (...)
Les responsables d'ONG, possesseurs de la part du lion des fonds d'aide humanitaire, laissent croire qu'ils dépendent de l'État haïtien, qui n'a pourtant aucun contrôle sur leurs milliards, et se cachent derrière la décomposition de l'État pour drainer des fonds qu'ils détournent ensuite pour leurs propres dépenses. (...)
D'après les témoignages de sinistrés de divers camps, même l'aide en nourriture et en eau, distillée au compte-gouttes quelques semaines après le séisme, s'est brusquement arrêtée.
Où vont les milliards collectés au nom des sinistrés du 12 janvier ? Un article publié en janvier 2010 dans le journal haïtien Le Soleil en donne une petite idée. « À Port-au-Prince, où de nombreux hôtels sont tombés depuis le séisme, l'hôtel Plaza, lui, est resté debout et réalise un chiffre d'affaires hebdomadaire de près de 100 000 dollars US. » D'après un employé de ce complexe hôtelier, cité par l'article, « depuis le 13 janvier, la totalité de nos 95 chambres sont occupées à 150 dollars la nuitée... Il s'agit d'un changement radical pour l'hôtel qui faisait autrefois partie de la chaîne Holiday Inn et dont seulement 40 % des chambres étaient occupées normalement durant le mois de janvier. »
Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Mais si, à ce chiffre d'affaires de 100 000 dollars US calculé en fonction des tarifs des chambres, on ajoutait les bénéfices réalisés sur les consommations, tarifées elles aussi en dollars américains, le montant passerait à combien ? (...)
Le Plaza n'est pas le seul complexe hôtelier resté debout, ni le plus cher. Caribe, Villa Créole, Suite Horizon, Holoffson, avec des tarifs plus élevés, sont également surbookés depuis le séisme et roulent eux aussi sur l'or. (...)
Les hôtels remplis d'ONG et de consultants en tout genre ne sont qu'un aspect de la dilapidation des fonds destinés aux millions de sinistrés (...). Au même titre que les sociétés de location de véhicules qui ont dû commander en urgence de nouvelles flottes de véhicules tout-terrain pour faire face à la demande sans cesse croissante, notamment des ONG.
Depuis le séisme, environ un millier d'ONG fonctionnent dans le pays. Seulement trois mois après le séisme, on parlait de deux milliards de dollars US dépensés par des ONG. Après sept mois, le montant doit donner le vertige. De toute façon, il est impossible de chiffrer le montant même approximatif brassé par ces ONG dont la comptabilité est opaque. (...)
D'après une autre source, jusqu'au mois de mars l'aide en faveur des sinistrés aurait propulsé plus de 3 000 étrangers « bénévoles » en Haïti et cette aide a servi surtout à payer leurs frais en tout genre : un montant de 27 millions de dollars pour les frais de voyage, à raison de 900 dollars par bénévole, un montant de 60 millions de dollars pour les frais d'hébergement, à raison de 200 dollars par personne et par nuit d'hôtel sur une durée de dix jours, un montant de 30 millions de dollars versé pour les frais de nourriture, avec une moyenne de 100 dollars par personne et par jour, sans prendre en compte d'autres frais, comme les déplacements en voiture ou en autobus, etc. Au total, plus de 75 % des fonds des ONG sont ainsi dévorés. »