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Dans le monde
Inde : Derrière la splendeur des Jeux du Commonwealth, la sueur et le sang des pauvres
Le 3 octobre s'ouvraient à Delhi, la capitale indienne, des Jeux qui, tous les quatre ans, réunissent des sportifs représentant les 54 pays du Commonwealth - tous d'anciennes colonies britanniques, à trois exceptions près (Mozambique, Rwanda et Cameroun).
Ce jour-là, Delhi était quadrillé par les militaires et surveillé par une nuée d'hélicoptères. Mais toutes ces précautions n'avaient pas empêché la reine d'Angleterre de priver ses « vassaux » de sa présence - fait sans précédent sous son règne - au motif que le risque d'attentat était trop élevé.
Mais si les pays riches participants, et en particulier la Grande-Bretagne, avaient fait beaucoup de bruit autour de la « menace terroriste » et des conditions d'hébergement des athlètes, jugées trop inconfortables, ils ne se sont pas indignés de la pauvreté qui servait de toile de fond à ces Jeux.
Officiellement, la facture de ces Jeux serait de 6 milliards d'euros. La somme (sans doute minimisée par les autorités) peut paraître relativement modique par rapport à d'autres événements comme le Mondial ou les Jeux Olympiques. Mais une partie importante de cette somme a été prélevée sur des budgets assignés à la construction de logements et d'infrastructures culturelles, budgets destinés à la population, qui ne profitera évidemment ni des stades trop chers, ni des installations de luxe construites pour les athlètes et les visiteurs. Qui plus est, le même gouvernement qui a présidé à ces dépenses somptuaires dit « ne pas avoir les moyens » de distribuer gratuitement aux populations frappées par la famine le riz qu'il achète à prix fort aux grandes exploitations rizicoles !
Les préparatifs de ces Jeux ont été à l'avenant. Les entreprises qui avaient obtenu, à grand renfort de pots-de-vin, la construction des infrastructures des Jeux ont fait venir des campagnes des dizaines de milliers de chômeurs pour travailler sur leurs chantiers, pour un salaire équivalant à 1,60 euro pour une journée de dix heures ou plus.
Rien n'était prévu pour héberger ces ouvriers. Ceux qui n'avaient pas de famille à Delhi en étaient réduits à dormir dans des abris de fortune, voire à la belle étoile, aux abords des sites, avec le risque très réel de se faire écraser pendant leur sommeil par des engins de chantier, sans sanitaires ni protection contre les pluies de la mousson.
Les conditions de travail dans les chantiers étaient abominables. Beaucoup d'ouvriers devaient travailler à mains nues, sans le moindre outil. La sécurité était inexistante, au point que les autorités elles-mêmes admettent que 47 ouvriers ont payé ces Jeux de leur vie !
Une fois les infrastructures construites avec leur sueur et leur sang, les ouvriers furent immédiatement renvoyés dans leurs villages. Mais il fallait aussi que la misère urbaine disparaisse des rues de la capitale. Nombre d'usines employant une main-d'oeuvre temporaire furent donc fermées pendant les douze jours des Jeux et leurs ouvriers sommés de retourner au pays. Les plus chanceux se virent offrir un billet de transport, mais tous y perdirent douze jours de salaire. Comme néanmoins des millions de pauvres vivent dans les banlieues de cette énorme agglomération de 22 millions d'habitants, le gouvernement envoya sa police menacer cette population d'arrestation au cas où elle se risquerait hors de ses bidonvilles et taudis.
Car il ne fallait pas que la pauvreté endémique que la population indienne a héritée de l'Empire britannique vienne souiller l'image de la pâle survivance de cet Empire qu'essaie d'être le Commonwealth !