En Haïti, le Conseil électoral provisoire (CEP) a annoncé le 7 décembre qu'il avait choisi Jude Célestin pour figurer au second tour de l'élection présidentielle, au détriment du chanteur populaire Michel Martelli, dit Sweet Micky. Il sera opposé à celle qui est arrivée en tête du premier tour, Mirlande Manigat, femme de l'ancien président Leslie Manigat. Cette annonce du CEP a immédiatement déclenché des mouvements de révolte dans la capitale Port-au-Prince, les partisans de Michel Martelli érigeant de nombreuses barricades.

Cette décision est conforme à ce qu'attendait René Préval, le président sortant, qui n'avait pas lésiné sur les moyens pour assurer la victoire de son protégé et futur gendre, Jude Célestin. Ensemble, ils ont mobilisé des fonds publics et les ressources de l'État pour faire campagne, multiplié la publicité dans les journaux et à la télévision. Ils ont fait sillonner le pays par des voitures sono appelant à voter pour Célestin, allant jusqu'à affréter un avion durant une semaine pour tracter une banderole en sa faveur, sans parler des sommes distribuées pour inciter des gens à venir à ses meetings.

Une débauche d'autant plus révoltante que même pas un dixième de ces sommes n'est consacré à la lutte contre le choléra, épidémie qui a déjà fait près de 2 000 morts.

Les représentants des grandes puissances espéraient que ces élections allaient donner au pays une certaine stabilité politique et ils avaient dépêché des observateurs censés garantir la régularité du scrutin. Or les fraudes organisées par le pouvoir ont été massives : urnes bourrées, manque de bulletins, pressions exercées sur les électeurs, électeurs empêchés de voter car leur nom ne figurait pas sur les listes ou parce qu'ils n'avaient pas reçu leur carte d'électeurs, bulletins de vote trafiqués...

Au lendemain du 28 novembre, date du premier tour, des milliers de personnes avaient déjà manifesté, notamment à Port-au-Prince, pour réclamer l'annulation des élections. Mais le Conseil électoral provisoire, tout en reconnaissant des irrégularités et des fraudes, les a quand même validées.

Si les autorités locales comme internationales sont pressées de proclamer l'élection d'un nouveau président et d'une nouvelle Assemblée, elles ne se montrent guère préoccupées du sort de la population qui, non seulement continue à subir les conséquences du séisme du 12 janvier, mais doit faire face à une épidémie foudroyante de choléra. Les tensions entre les troupes internationales qui quadrillent le pays et la population sont d'autant plus vives qu'il se confirme que cette maladie a bien été importée par un contingent népalais de la Minustah, stationné dans la région de l'Artibonite. Quant à l'aide pour endiguer l'épidémie comme pour reconstruire le pays, elle se fait toujours attendre.