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- Lutte ouvrière n°2258
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Turquie : Le tremblement de terre dans la région de Van L'incurie criminelle des promoteurs
Plus de 600 morts et 2 000 blessés, tel est le bilan du violent tremblement de terre qui a eu lieu le dimanche 23 octobre à l'est de la Turquie, dans la région de Van, atteignant une intensité de 7,2 sur l'échelle de Richter. Dans cette région dont la population est à majorité kurde et où vivent plus d'un million de personnes, presque la moitié des immeubles sont maintenant détruits ou inhabitables.
L'arrivée de l'hiver et de la neige dans cette zone de montagnes rendra rapidement la situation de la population dramatique.
Le fait que le tremblement de terre se soit produit un dimanche après-midi a sans doute évité un nombre encore plus important de morts, car beaucoup d'habitants à cette heure-là ne se trouvaient pas chez eux. Mais le gouvernement et l'État, qui savent trouver des moyens importants pour effectuer leurs opérations militaires contre la guérilla kurde, n'ont quasiment pas agi durant les premières 24 heures, pourtant cruciales en pareil cas. Puis des dizaines de milliers de familles ont dû dormir dehors par des températures atteignant zéro degré la nuit, sans que des tentes aient été acheminées en nombre suffisant. Environ 48 milliards de livres turques (soit quelque vingt milliards d'euros) de taxes ont été collectés depuis 2003, en principe pour financer les travaux nécessaires à la prévention des conséquences des tremblements de terre qui menacent tout le territoire de la Turquie. Mais il s'avère que ces sommes ont été utilisées pour autre chose !
Devant l'indignation de l'opinion, le Premier ministre Erdogan a dû se livrer à une petite autocritique, mais il s'en est surtout pris aux nationalistes kurdes, déclarant avec aplomb que « quand il s'agit de créer des troubles ou d'attaquer les forces de l'ordre ils se mobilisent, mais quand il s'agit d'aider les victimes du tremblement de terre on ne les voit pas ».
Une partie de la presse a quand même rappelé que le grand tremblement de terre de 1999 dans la région d'Istanbul, qui avait fait plus de 19 000 morts, avait déjà mis en évidence les problèmes liés à la corruption, grâce à laquelle les promoteurs pouvaient construire en dépit des règles de construction antisismiques. Plus de la moitié des immeubles avaient même pu être édifiés sans permis de construire. Devant l'indignation, déjà à l'époque des lois avaient été votées pour que pareille chose ne se répète plus. Mais visiblement il ne suffit pas de voter des lois.
Le tremblement de terre de Van a mis encore une fois en évidence cette corruption généralisée et le fait que les promoteurs économisent sur toutes les dépenses, sur le ciment, le fer, les fondations, etc., et continuent à construire sans même les autorisations nécessaires. Le quotidien Milliyet a publié le 27 octobre une photo montrant un immeuble construit en 1952 et resté debout et intact, à côté d'un autre immeuble construit en 1998 mais qui, lui, s'est complètement effondré.
Depuis le 23 octobre la presse parle de nouveau des risques que la population encourt, surtout dans la région d'Istanbul où vivent plus de 13 millions de personnes et où on estime que près de la moitié des immeubles sont dangereux ou sans permis de construire, et ne résisteraient pas à un séisme important. Or un tel séisme est de nouveau prévu dans la région d'Istanbul dans les années ou les décennies qui viennent. Si l'incurie actuelle continue, le bilan risquerait alors de se chiffrer, non en milliers, mais en dizaines, voire en centaines de milliers de morts.