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- Lutte ouvrière n°2288
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Dans les entreprises
Groupe Doux - Père Dodu : La rapacité d'un volailler
Le groupe volailler Doux, surtout connu par la marque Père Dodu, vient de déposer le bilan et d'être mis en redressement judiciaire. Une telle situation risque d'entraîner une cession ou des arrêts d'activité dans certains secteurs, ce qui aurait des conséquences dramatiques pour les 3 400 salariés du groupe en France, auxquels il faut ajouter plusieurs milliers de sous-traitants, dont 800 éleveurs.
En 2010 Le groupe Doux a réalisé 1,4 milliard de chiffre d'affaires. Il exporte des poulets dans 110 pays mais, dit-il, serait « plombé » par une dette estimée à 430 millions d'euros. D'où vient cette dette ? D'investissements au Brésil pour près de 300 millions d'euros, d'une hausse des coûts des aliments pour volaille. Toujours est-il que la famille Doux est parvenue à accumuler une fortune estimée à 330 millions d'euros en 2011, en progression de presque 18 % par rapport à l'année précédente.
Charles Doux et sa famille ont accumulé ces millions en exploitant férocement les ouvriers. Leurs usines sont connues pour leurs conditions de travail exécrables. Les salaires stagnent au smic, quelle que soit l'ancienneté. Sur les chaînes d'abattage et de conditionnement des poulets vendus en frais, par exemple, le travail se fait en deux équipes de huit heures, dans des odeurs infectes, à des températures comprises entre 0 et 7°C et à des cadences très élevées. Les maladies professionnelles de type TMS (troubles musculo-squelettiques) sont fréquentes et, après avoir ainsi été abîmés par le travail, bien des ouvriers finissent par être jetés à la porte pour inaptitude.
Chez Doux, il n'y a pas de petits profits. En 2003, le volailler avait décidé de ne plus payer les temps de pause, ce qui revenait à faire travailler les ouvriers 2 h 30 de plus par semaine pour le même salaire. Le groupe a été condamné à plusieurs reprises aux Prud'hommes à payer ces temps de pause, mais aujourd'hui encore, presque dix ans plus tard, il n'a pas obtempéré ! Ainsi, à l'usine de Laval, la procédure judiciaire continue et les ouvriers n'ont encore rien touché.
Depuis dix ans, les fermetures de sites se sont succédé. Plus de 2 000 salariés ont perdu leur emploi. Quant aux éleveurs de volaille qui travaillent pour Doux, ils ne sont pas mieux lotis. Les prix auxquels Doux achète la volaille leur sont imposés et les factures sont payées de plus en plus en retard.
Tout ceci n'a pas empêché les pouvoirs publics d'accorder d'importantes aides publiques à Doux. Le groupe bénéficie en effet chaque année de ce que l'on appelle les « restitutions européennes ». Il s'agit d'aides versées par l'Europe pour compenser le fait qu'il vendrait à bas prix sur les marchés du Proche et du Moyen-Orient. Ces restitutions ont atteint 60 millions d'euros entre octobre 2010 et octobre 2011. On estime que, depuis quinze ans, le groupe a ainsi engrangé plus d'un milliard d'euros d'aides européennes ! Cela sans compter les aides publiques provenant du fait que le groupe produit lui-même la nourriture des animaux dans ses propres usines, à base de céréales elles aussi largement subventionnées.
Aujourd'hui, le gouvernement Hollande semble ne pas apprécier que Charles Doux ait choisi le dépôt de bilan plutôt que l'option qu'il soutenait, à savoir le renflouement du groupe par la banque Barclays, qui en aurait ainsi pris en partie le contrôle. Les négociations se poursuivent entre le volailler et les ministères de l'Agriculture et du Redressement productif, qui aboutiront sans doute à de nouvelles subventions publiques, sous le prétexte habituel de sauver l'emploi. Pourtant, le groupe Doux aurait les moyens de maintenir l'activité industrielle et les emplois, ainsi que de payer les producteurs de volaille. Qu'il prenne donc pour cela sur les profits accumulés par la famille Doux et les autres actionnaires !