Chine : Chez un sous-traitant d'Apple03/10/20122012Journal/medias/journalnumero/images/2012/10/une2305.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Chine : Chez un sous-traitant d'Apple

Révolte contre l'exploitation

Dimanche 23 septembre, l'usine Foxconn de Taiyuan, au nord de la Chine, a été le théâtre d'une émeute qui a mobilisé deux mille ouvriers en colère et s'est terminée vers 3 heures du matin après l'intervention de 5 000 policiers. Il y aurait eu une quarantaine de blessés.

À l'origine de cette affaire, un vigile de l'usine aurait frappé un travailleur, ce qui aurait déclenché la réaction de ses camarades de dortoir. La direction de Foxconn a minimisé les faits et évoqué une simple « rixe entre employés ».

Le groupe taïwanais Foxconn, premier fabricant mondial de composants électroniques, travaille notamment pour Apple, Nokia et Sony. Ce groupe, qui en Chine réalise le plus gros chiffre d'affaires à l'exportation, emploie plus d'un million de salariés, dont la moitié sont concentrés sur son site principal de Shenzhen près de Hong Kong, et 79 000 dans l'usine de Taiyuan.

Cette usine est d'autant plus chère à la société Apple qu'elle fabrique les boîtiers de l'iPhone 5. Mais, derrière ce bijou électronique, se cachent des conditions de travail intensives et des salaires très bas. Un journaliste chinois y a constaté l'état déplorable des locaux, pleins de détritus et à l'odeur difficilement supportable. « Quand j'ai ouvert une penderie, une foule de cafards en est sortie et les draps remis aux nouveaux étaient maculés de saleté et de cendres. »

Les travailleurs sont tenus de signer une clause de confidentialité qui dit aussi qu'ils doivent accepter « tous les dangers », y compris la « pollution toxique ». Foxconn dispose de treize procédures de récompense, mais aussi de soixante-dix types de punition. Consigne n°1 : « obéir ». Comme l'expliquait un membre de l'encadrement, « vous pouvez vous sentir mal à l'aise face à la façon dont vous êtes traités, mais c'est pour votre propre bien »... Un universitaire chinois qui a étudié le groupe Foxconn a trouvé une autre qualification : pour lui, ces usines sont des « camps de travail ».

Les ouvriers les appellent des « usines du suicide » parce qu'il y a eu une vague de suicides en 2010. Quatorze travailleurs sont morts en se défenestrant de leur dortoir. Depuis, l'entreprise fait signer un papier aux nouveaux embauchés pour que les familles ne réclament pas d'indemnisation en cas de suicide, mais cela n'y a pas mis fin. En janvier dernier, dans l'usine de Wuhan, 150 travailleurs sont montés sur le toit et ont menacé de se suicider ensemble pour exiger un changement des conditions de travail.

Dans l'usine de Taiyuan, chaque jour, six cents travailleurs ne reviennent pas au travail, pour rechercher un emploi moins éprouvant. Pour un ancien ouvrier, « ce n'est qu'un vaste sweatshop [une usine de surexploitation] où l'ouvrier est considéré comme un élément interchangeable qui n'a pas droit à la parole. Les syndicats officiels censés défendre nos intérêts sont bidon... Vigiles et contremaîtres nous insultent à longueur de journée et les libertés individuelles sont bafouées ». Pas étonnant qu'en mars dernier il y ait eu une manifestation géante de travailleurs dénonçant les conditions de travail et les mensonges de la direction, qui avait promis une augmentation de salaire... sans la donner.

Selon China Labour Bulletin, publication d'information sur la situation des ouvriers chinois, chez Foxconn « la violence reste parfois le seul moyen de s'exprimer et des peccadilles peuvent très vite dégénérer ». Il y a d'ailleurs eu d'autres émeutes chez Foxconn : en juin sur le site de Chengdu, et à Shenzhen, après qu'un ouvrier a été retrouvé mort dans un dortoir.

Les dirigeants chinois ont ouvert toutes grandes les vannes au capitalisme le plus sauvage. Mais avec le capitalisme apparaît son fossoyeur, la classe ouvrière qui, aussi maltraitée soit-elle, est en train de découvrir la force de l'action collective.

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