- Accueil
- Lutte ouvrière n°2308
- Italie : Après le séisme de L'Aquila, les scientifiques porteront le chapeau
Dans le monde
Italie : Après le séisme de L'Aquila, les scientifiques porteront le chapeau
Six années de prison à sept scientifiques italiens, physiciens, géophysiciens ou sismologues, tel est le surprenant jugement rendu à l'Aquila le 22 octobre, les accusant de ne pas avoir prévu le séisme qui, le 6 avril 2009, a détruit cette ville ainsi que nombre de villages alentour, faisant 309 morts. Ces experts étaient membres de la commission « grands risques » qui s'était réunie à L'Aquila six jours plus tôt, le 31 mars 2009, et qui avait conclu qu'on ne pouvait prévoir un séisme majeur et qu'il n'y avait donc pas lieu de faire évacuer la ville.
Abasourdis, tous déclarent maintenant qu'on ne peut jamais prévoir avec prévision un séisme et qu'ils n'avaient pas dit autre chose lors de la réunion de la commission en question. De fait, on avait enregistré depuis le début de l'année 2009 plus de 400 secousses mineures dans la région de L'Aquila. Mais le nombre de ces secousses pouvait laisser penser que les tensions créées dans la zone de faille se déchargeaient régulièrement, au lieu de s'accumuler dangereusement comme à la veille d'un séisme majeur, ce qui rendait un tel événement peu probable, « sans cependant pouvoir l'exclure absolument », comme l'écrivit un des scientifiques.
Il est vrai que les scientifiques en question s'étaient laissés utiliser par le chef de la Protection civile de l'époque Guido Bertolaso, qui s'était servi de leur signature pour se couvrir, et qui a été depuis au centre d'une série de scandales. Reste la question : le séisme était-il prévisible au point qu'il eût fallu décider de faire évacuer la ville et les alentours pour une période indéterminée ? Dans l'état actuel des prévisions, cela ne s'est jamais fait pour aucun séisme. En revanche dans le cas de L'Aquila, ville située dans une zone sismique et qui a déjà connu un tremblement de terre majeur en 1703, on pouvait évidemment prévoir qu'un jour il s'en reproduirait un, et donc prévoir les constructions en conséquence.
Or le tremblement de terre de 2009 a mis en lumière la basse qualité de nombre de constructions modernes, qui se sont effondrées sur leurs occupants parce qu'elles avaient été érigées au mépris des normes antisismiques et parfois tout simplement au mépris de la sécurité la plus élémentaire, comme la Maison de l'étudiant ou l'hôpital. Et pour les survivants, le lendemain du séisme a été le début d'un long calvaire. Le plus souvent parqués dans des camps de toile, ils ont pu entendre Berlusconi leur déclarer avec son humour douteux qu'ils n'avaient qu'à s'imaginer être en vacances. Puis il s'était lancé dans une de ses pires mises en scène pour tenter de montrer qu'en six mois il aurait relogé tout le monde.
Résultat, plus de trois ans après, la reconstruction du centre de L'Aquila a à peine commencé, mais le nombre de promoteurs et de mafieux qui se sont précipités sur la région, flairant la bonne affaire et cherchant à s'approprier les fonds débloqués par le gouvernement, est déjà impressionnant. L'opération a même été dénoncée, entre autres, dans le film Draquila de Sabina Guzzanti. Mais on peut deviner que les procédures engagées contre les promoteurs immobiliers véreux ou les autorités complaisantes n'aboutiront jamais, quand du moins elles ont été engagées.
À la nouvelle du verdict de L'Aquila, on ne peut que penser que, décidément, il est plus simple de faire porter le chapeau à quelques scientifiques.