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- Lutte ouvrière n°2314
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Guerre de l'ex-Yougoslavie et tribunal pénal international : Ces crimes que la justice efface
Sans broncher, le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) vient de se déjuger à un an d'intervalle. Institué par les grandes puissances après la guerre de Yougoslavie (1991-1996) et censé juger les responsables des horreurs -- dont la sinistre « épuration ethnique » -- commises contre les populations yougoslaves par les chefs politiques et militaires serbes, croates ou bosniaques, fin 2011 le TPIY avait infligé 24 ans de prison au général croate Ante Gotovina et à un chef de la police croate pour « crimes contre l'humanité ». Un an après, le même tribunal les blanchit.
Durant cette guerre, Gotovina commandait les troupes croates dans la Krajina, une région peuplée de Serbes depuis des siècles. Il y avait fait bombarder des villes comme Knin, tuant ainsi de nombreux civils. Le TPIY avait aussi reconnu qu'il avait participé personnellement à l'exécution de 150 civils serbes. Au moins 150 000 Serbes avaient dû fuir pour échapper aux tueries.
Un an après son premier jugement, le TPIY n'a-t-il plus rien à reprocher à Gotovina ? En tout cas, celui-ci ne manque pas de protecteurs. Et pas seulement à la tête de l'État croate.
Gotovina a fait ses classes dans la Légion étrangère française. Membre des commandos spéciaux, il a exercé ses « talents » de Djibouti à la Côte d'Ivoire en passant par Kolwezi. Ces états de service lui ont valu d'être naturalisé français puis de pouvoir exercer dans des officines dites de sécurité. Il a ainsi fait le coup de poing contre des grévistes occupant leur imprimerie dans le sud de la France, a frayé avec les débris du SAC gaulliste et le service d'ordre de Le Pen. Il a aussi entraîné des paramilitaires de l'Argentine à la Turquie et de la Grèce au Guatemala. Ayant aussi versé dans le vol et la séquestration contre rançon, Gotovina se réfugia en Croatie où il intégra l'armée.
La Yougoslavie était alors en train d'exploser. Il prit rapidement du galon au fil de ses exactions, jusqu'à devenir inspecteur général de l'armée après la guerre.
En 2001, la Croatie postulant à l'entrée dans l'Union européenne, son président demanda à l'armée de collaborer avec le TPIY : refus de Gotovina. Le TPIY ayant transmis à Zagreb un acte d'accusation le visant, l'ambassade de France lui remit un passeport. Commença une cavale de quatre ans durant laquelle, selon le général Rondot, ancien responsable des services secrets français, ceux-ci ont gardé le contact avec le fuyard, pour ne pas dire qu'ils l'ont protégé.
Quand on se souvient que l'armée croate, soutenue par l'OTAN, n'était arrivée à s'emparer de la Krajina que grâce à l'aide militaire américaine, on imagine sans mal de quels appuis a pu disposer, et dispose encore, le boucher de la Krajina.
Dans un premier temps, le TPIY se devait d'afficher à son palmarès quelques bourreaux croates de cette guerre pour ne pas avoir l'air de ne s'en prendre qu'aux assassins du camp serbe. Il vient de remettre les pendules à l'heure. L'OTAN, les États-Unis et la France, grandes puissances dites démocratiques, continuent ainsi à couvrir des crimes contre l'humanité.