Tunisie : Après l'arrestation d'Amina « Tyler », les autorités emprisonnent trois militantes féministes19/06/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/06/une2342.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Tunisie : Après l'arrestation d'Amina « Tyler », les autorités emprisonnent trois militantes féministes

Trois militantes du mouvement Femen ont été condamnées à Tunis, le 12 juin dernier, à quatre mois et un jour de prison ferme, pour attentat aux bonnes moeurs et à la pudeur.

Elles agissaient en solidarité avec Amina « Tyler », la jeune Tunisienne emprisonnée depuis le 19 mai après avoir, elle aussi, exprimé son refus du statut de mineures dans lequel le gouvernement mené par Ennahda tente d'enfermer les femmes.

À considérer les faits, il faut vraiment être un réactionnaire de la plus belle eau pour y trouver matière à mobiliser police et justice. Amina s'était photographiée torse nu, recouvert d'inscriptions féministes, sur son blog. Puis, plus récemment, elle avait tagué « Femen » sur un mur de cimetière à Kairouan, avant un rassemblement islamiste dans la ville. C'est à la suite de ce grave méfait, selon les autorités, que la jeune fille a été jugée, en vertu d'un décret sur les engins explosifs datant de 1894, pour port prohibé d'un spray lacrymogène. Depuis elle est enfermée dans une cellule avec vingt autres détenues.

La sévérité des peines prononcées contre ces militantes féministes, de même que celle qui a frappé le rappeur Weld El 15, condamné à deux ans de prison ferme pour « insultes » à l'égard de la police dans une de ses chansons, contraste évidemment avec la mansuétude dont le pouvoir fait montre à l'égard des militants salafistes. Jugés fin mai pour l'attaque de l'ambassade des États-Unis à Tunis, qui avait provoqué la mort de quatre personnes et en avait blessé des dizaines d'autres, ces derniers ont écopé de deux ans... avec sursis.

Mais surtout, il s'agit là d'une démonstration destinée à toutes les Tunisiennes, avant même que la Constitution soit rédigée : leur liberté d'expression s'arrête là où le parti islamiste au pouvoir le décide, et leur statut, quels que soient les termes hypocrites du futur texte, sera loin de l'égalité promise entre les sexes, si elles n'y mettent pas le holà. Un prétendu « penseur » islamiste ne parlait-il pas récemment d'éradiquer le « terrorisme érotique » manifesté par les Tunisiennes à travers leurs vêtements ?

La chape que le gouvernement entend faire peser sur la population a aussi pour objectif d'étouffer toute velléité de protestation sur les problèmes vécus quotidiennement : la hausse des prix et le chômage (800 000 personnes). Le 13 juin, des manifestants qui organisaient depuis deux semaines un sit-in dans la région minière de Metlaoui (300 kilomètres au sud-ouest de Tunis), afin de réclamer des créations d'emplois à la Compagnie des phosphates, ont été rudement dispersés. La même chose s'est produite dans le secteur de Redeyef.

Le gouvernement encourage les plus réactionnaires à se sentir tous les droits, contre les travailleurs et en particulier contre les femmes. Car, pendant que les tribunaux condamnent des féministes, pendant que, devant un ministre venu des Pays-Bas, le chef de gouvernement Laarayed fait mine de s'engager à « garantir la liberté d'expression pour tous les Tunisiens », des petits caïds des Ligues de protection de la révolution, milices plus ou moins contrôlées par le pouvoir et les salafistes, continuent impunément à menacer la population et, parfois, à agir. Le meurtre, en février dernier, de l'avocat opposant de gauche Chokri Belaïd en est un sinistre exemple.

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