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Grèce : le gouvernement Tsipras cerné par les créanciers
L’affrontement entre le gouvernement grec et les institutions européennes continue. De réunions en réunions, de manœuvres diplomatiques en campagnes de presse, les représentants des puissances européennes soufflent le chaud, et surtout le froid. Ils manient le chantage, le risque de Grexit, c’est-à-dire de sortie de la Grèce de l’Union européenne, évitable disent-ils… à condition que le pays paye ses dettes. De son côté, le gouvernement grec tente de réaffirmer son programme en même temps qu’il manifeste sa volonté de continuer à négocier : il fait voter certaines de ses promesses, sans qu’on puisse savoir si elles seront appliquées.
La rencontre entre Angela Merkel et Alexis Tsipras le 23 mars aurait paraît-il renoué le dialogue. Mais les questions financières sont discutées par les techniciens envoyés par les « institutions », c’est-à-dire la Banque européenne, la Commission européenne et le FMI. Faisant semblant de prendre en compte la crise humanitaire, la Commission européenne a débloqué deux milliards d’euros venant de fonds européens non utilisés et opportunément retrouvés. Mais, selon le président de la Commission Jean-Claude Juncker, une équipe va « aider les autorités grecques à investir cet argent dans des secteurs propices en matière de perspectives de croissance », en particulier pour remédier au chômage des jeunes. Il n’est pas question que le gouvernement grec en dispose à sa guise. Et le reste des propositions européennes est à l’avenant.
Une fois de plus, Tsipras et son équipe ont été sommés de présenter une liste de réformes et, parmi elles, une hausse de la TVA sur l’hôtellerie, le tabac, l’alcool serait la bienvenue, selon les institutions européennes, de même qu’un recul de l’âge de la retraite, un renoncement aux retraites anticipées, ainsi que quelques privatisations. Le bruit court dans les cercles européens que ce serait presque fait. Vrai ou faux ? Les pressions et les rumeurs font partie de la mise en scène, de même que l’accusation faite à Tsipras de perdre un temps précieux.
De son côté, le 18 mars, le gouvernement grec a effectivement fait voter la loi destinée à faire face à la crise humanitaire : le rétablissement de l’électricité à ceux à qui elle a été coupée et 300 kw/h gratuits par mois en 2015, une aide au logement de 70 à 220 euros pour 30 000 familles et une aide alimentaire pour 300 000 personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté. D’autres ministères élaborent des projets de loi pour diminuer et étaler le remboursement des dettes privées ou rouvrir l’ERT, l’ancienne télévision d’État. Le gouvernement prépare aussi une loi pour rétablir les conventions collectives, revenir progressivement au salaire minimum de 750 euros, et discute de tout cela avec les organisations syndicales et le SEV, l’équivalent du Medef. Mais la presse de gauche et d’extrême gauche rapporte que, dans de nombreuses entreprises, les patrons anticipent sur tout changement qui pourrait être favorable aux travailleurs en multipliant les attaques, en licenciant et en diminuant les salaires.
Le gouvernement Tsipras est pris à la gorge, le temps presse. Faire reculer les dirigeants européens par des négociations à répétition apparaît de plus en plus comme une gageure. Ceux-ci tiennent à affirmer que, quoi qu’il arrive, l’État grec devra payer aux banques les intérêts de sa dette. Quant à taxer les riches grecs, le ministre des Finances Varoufakis dit que ce serait difficile : les armateurs peuvent déplacer leurs revenus à l’étranger pour échapper au fisc, tandis que l’immense richesse de l’Église, essentiellement constituée de propriétés foncières, « ne lui procure pas un revenu très élevé qui puisse être taxé ». Cela montre surtout que Tsipras n’est pas décidé à faire payer les possédants de son pays. En attendant, les capitaux s’enfuient des banques grecques sans que le gouvernement cherche à les bloquer.
Pour les travailleurs aussi, le temps presse, et encore plus. Il leur faudra se mobiliser pour imposer que les promesses de Tsipras ne restent pas des paroles en l’air et pour faire payer aux capitalistes les frais de la crise qu’ils ont provoquée.