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- Lutte ouvrière n°2491
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Leur société
Lanceurs d’alerte : à bas le secret des affaires !
Pour avoir révélé un détournement fiscal à grande échelle vers le Luxembourg, Antoine Deltour risque des années de prison et plus d’un million d’euros d’amende. Et cela même si les faits qu’il a dénoncés sont reconnus comme vrais par tous, à commencer par les gouvernements concernés. Mais le crime qu’on lui reproche est d’avoir violé le secret professionnel et le secret des affaires pour faire connaître une vérité qui gêne les grandes sociétés.
De nombreux « lanceurs d’alerte » comme lui ont dû faire les frais de l’acharnement des entreprises dont ils dénonçaient les pratiques. Celles-ci peuvent s’appuyer sur des bataillons d’avocats et d’hommes de loi pour contraindre le récalcitrant au silence en le menaçant de procès sans fin, et de toute façon la moindre des sanctions est le licenciement. Ainsi Stéphanie Gibaud, ancienne cadre de la banque UBS qui avait dénoncé en 2009 un scandale de fraude fiscale de sa société pour faire passer en Suisse l’argent de riches clients, a passé sept ans de sa vie à se battre contre son employeur. Harcelée, puis licenciée, elle n’a pas retrouvé de travail dans le secteur, étant désormais sur la liste noire.
Ce secret n’épargne aucun secteur de la société capitaliste. Dans le domaine de la santé par exemple, la docteur Irène Frachon, qui révéla les centaines de morts causées par le Médiator, a rappelé comment le cardiologue marseillais qui le premier avait pris conscience du problème avait été contraint au silence pendant de longues années par le laboratoire Servier. Lorsqu’il parla, il fut attaqué en diffamation, ainsi qu’un journaliste de l’émission Envoyé spécial qui avait dénoncé la stratégie d’intimidation exercée par Servier.
La loi du silence est une des règles de la société capitaliste pour tout ce qui se passe à l’intérieur des entreprises. Elle permet de faire du profit à tout prix, en vendant des médicaments dangereux ou en plaçant des dispositifs d’évasion fiscale, en truquant les tests sur les voitures ou en camouflant la composition d’un aliment vendu en grande surface. Mais elle permet aussi d’interdire aux travailleurs l’accès aux comptes de leur entreprise afin de justifier des licenciements ou de leur cacher des fermetures d’usine prévues des années à l’avance. Elle permet, plus généralement, de camoufler l’exploitation des travailleurs.
Pour le plus grand bien de la société, il faudrait mettre fin à ce secret des affaires qui ne sert que les capitalistes. Tous les travailleurs pourraient alors être des « lanceurs d’alerte ».