L’Euro de foot : une fontaine d’argent public08/06/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/06/2497.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

L’Euro de foot : une fontaine d’argent public

Au-delà des enjeux sportifs, l’Euro de foot, qui commence le 10 juin, est une gigantesque pompe à finances pour les entreprises privées.

Dix stades sont mobilisés pour ce championnat. Quatre d’entre eux ont été construits au prix fort, à Bordeaux, Lille, Lyon et Nice, et cinq autres ont été rénovés. Souvent surdimensionnées, ces enceintes représentent un coût total de 1,7 milliard d’euros, une manne pour les géants du BTP. Elles ont souvent été construites dans le cadre de partenariats public-privé : une part importante de l’investissement initial est assurée par un consortium privé, la ville lui versant un loyer annuel pendant une trentaine d’années. Cette formule s’avère particulièrement coûteuse pour les communes.

Le Mans paye ainsi à Vinci 3,2 millions par an jusqu’en 2044, pour un stade sans rencontres régulières, à la suite de la liquidation du club professionnel. Certes, l’UEFA, qui organise ce championnat, verse aux villes hôtes 31,5 millions d’euros. Mais elle s’est vu octroyer par le gouvernement un superbe cadeau fiscal, les différentes entités organisant l’Euro étant exonérées d’impôts, ce qui représente un manque à gagner de 150 à 200 millions d’euros. Les pouvoirs publics paient donc la facture, à laquelle s’ajoutent d’importants frais de sécurité et autres « fan-zones ».

Le gouvernement dit attendre de l’Euro « 1,24 milliard d’euros de surcroît d’activité pour l’État et les entreprises françaises ». Cette somme est sûrement surévaluée, pour vendre l’événement. Mais de toute façon, si l’État et les collectivités locales ont engagé les plus grosses dépenses, ce sont les entreprises privées qui vont en bénéficier : hébergement, restauration, commerce de proximité, etc. Des sponsors escomptent également rafler la mise, à l’instar de la Française des jeux, dont le montant du contrat est secret, ou encore des dix « partenaires globaux » de l’UEFA : Adidas, Carlsberg, Coca-Cola, Continental, McDonald’s, Orange et autres amoureux du ballon rond…

Les médias qui ont acheté les droits de retransmission télévision, comme TF1, M6 et beIn Sports, ne sont pas en reste. Les mairies qui veulent diffuser un match sur grand écran doivent payer une redevance de plus de 1 000 euros. Alors que l’Euro accueillait 16 équipes jusqu’en 2012, il en compte désormais 24, afin d’augmenter la manne. De façon générale, si les pouvoirs publics ont des dépenses, l’UEFA engrange des recettes (sponsoring, billetterie, droits de retransmission…), pour un total de 1,9 milliard d’euros.

Pour les grands équipementiers (Nike, Adidas, Puma), l’Euro de foot est un peu l’équivalent de ce qu’est Noël pour les producteurs de foie gras. Pour vendre des maillots et des baskets, ils se disputent le sponsoring des grandes équipes ; Adidas serait ainsi prêt à quadrupler son contrat avec l’Allemagne, à 1 milliard d’euros, pour éviter que Nike ne le lui chipe. Cela donne une idée des marges escomptées. Un maillot de football se vend en moyenne 85 euros en boutique. Sur cette somme, les ouvriers qui les fabriquent touchent moins de 65 centimes (moins de 1 %). Pour une paire de baskets Nike vendue 140 euros, sur laquelle l’entreprise fait un bénéfice de 23,40 euros, le salaire des ouvriers ne représente que 2,40 euros. Et c’est encore trop pour les équipementiers, qui délaissent actuellement la Chine, où les salaires ont augmenté. C’est « la fin de la Chine à bas coût », se plaint Adidas, qui exploite quelque 400 000 salariés en Asie, et préfère maintenant l’Indonésie, où le salaire moyen est de 102 euros mensuels, le Vietnam (174 euros) ou le Cambodge (115 euros).

Le vainqueur sur le terrain ne sera pas connu avant le 10 juillet, mais dans les coulisses, comme pour toutes les grandes compétitions internationales, l’Euro s’annonce d’ores et déjà comme une belle opération de transfert d’argent public vers les caisses d’entreprises privées.

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