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Dans le monde
Les options de Cameron
Dans la foire d’empoigne démagogique de cette campagne référendaire, peu d’électeurs ont dû réaliser qu’il ne s’agissait en fait que d’un vote consultatif. Légalement, rien n’oblige le gouvernement à s’y conformer. Il pourrait aussi rechercher l’assentiment du Parlement pour donner un semblant de légitimité à une démarche visant à l’invalider.
Dans ce dernier cas, Cameron pourrait obtenir le soutien de la Chambre des communes, grâce au renfort de la plupart des partis qui y sont représentés, contre les députés eurosceptiques de son propre parti. Et il n’aurait aucun problème avec la Chambre des lords, dont la majorité est pro-Union européenne.
Ce qui est sûr c’est que, tout en évitant d’apparaître comme voulant s’opposer au résultat du référendum, les milieux d’affaires font une pression considérable sur Cameron pour qu’il « ne prenne pas de mesure trop hâtive et irréversible dans le sens du Brexit », comme l’écrit le quotidien d’affaires Financial Times.
Si les grandes entreprises britanniques pouvaient annuler le vote du 23 juin, cela les arrangerait bien. Non seulement du fait des incertitudes que ce vote crée à long terme, mais aussi du fait de son impact immédiat. Car le fait que la Banque d’Angleterre a noyé les marchés sous les liquidités, pour un montant de 325 milliards d’euros, n’a pas empêché la livre de tomber en vrille, ni les actions des grandes banques britanniques de subir un sort similaire, au point que la cotation de Royal Bank of Scotland, la deuxième banque du pays, contrôlée à 65 % par l’État depuis 2008, a dû être suspendue à plusieurs reprises pour éviter un désastre.
Pour l’instant, Cameron a reculé les échéances en annonçant sa démission pour l’automne. Le Parti conservateur devra donc élire un nouveau leader d’ici là et, vu le nombre des candidats, cela risque de l’occuper beaucoup, ce qui donne à Cameron une certaine liberté de manœuvre en attendant.
Il paraît peu probable néanmoins qu’il se risque à ignorer ouvertement le vote pour le Brexit, ce qui aurait toute chance de déclencher une crise ouverte au sein de son parti, au profit des souverainistes de UKIP. En revanche, ce répit lui permet de... ne rien faire, c’est-à-dire de ne pas activer la procédure prévue par l’article 50 du traité de Lisbonne qui gouverne le départ d’un pays membre.
Mais, si son successeur est, comme on peut le supposer, l’ancien maire de Londres Boris Johnson, on sait déjà à quoi s’attendre. Même s’il a abandonné ce thème par la suite, pour ceux de la souveraineté nationale et de l’immigration, Johnson avait initialement justifié son ralliement au Brexit en disant qu’un vote pour le Brexit serait le meilleur argument de négociation pour permettre de négocier une véritable réforme de l’UE. Moyennant quoi, disait-il, avec le co-leader du camp Brexit, le ministre de la Justice Michael Gove, un deuxième référendum permettrait de faire entériner cette réforme, un peu comme cela s’était fait en Irlande, lorsque le traité de Nice y avait été repoussé par référendum en 2001, avant d’y être accepté par une autre porte en 2002.
C’est évidemment dans ce sens que poussent les milieux d’affaires, en incitant à la prudence et au calme, ce qui se traduit aujourd’hui par des discours de Johnson qui, avec la dernière hypocrisie, ose dire qu’il ne « gonflera pas les voiles de ceux qui veulent faire avancer le navire de leur carrière politique sur le dos des immigrés européens » !
Autant dire que, si les travailleurs européens, et la classe ouvrière britannique, risquent de payer les pots cassés de ce grand-guignol politicien, le grand capital britannique n’est pas encore sorti de l’UE ou, en tout cas, il y gardera toute la place dont il a besoin pour ses profits.