Les travailleurs et les élections : se faire entendre, pas s’abstenir !21/06/20172017Journal/medias/journalnumero/images/2017/06/2551.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Les travailleurs et les élections : se faire entendre, pas s’abstenir !

Un fait majeur des élections législatives a été l’abstention massive des milieux populaires, et singulièrement de la classe ouvrière. L’abstention globale avait déjà dépassé les 50 % au premier tour, pour atteindre 57 % au deuxième. Elle a pu approcher ou dépasser les 75 % dans les quartiers ouvriers, et tout particulièrement les plus pauvres.

Et si l’on ajoute le fait qu’une part non négligeable de la population de ces quartiers n’est même plus inscrite sur les listes électorales, on constate un désintérêt profond pour la chose politique d’une partie considérable de la classe ouvrière. Comme en plus les travailleurs immigrés sont de toute façon privés du droit de vote, les élections deviennent le domaine réservé des plus aisés.

Au final, on assiste à une sorte de réintroduction du cens électoral, tel qu’il existait avant l’introduction du suffrage universel. Au début du règne de la bourgeoisie, tout le monde n’avait pas le droit de voter. Non seulement les femmes en étaient exclues, mais aussi ceux qui n’avaient pas de biens. Le peuple des plus pauvres était prié de s’en remettre à des représentants nantis, qui savaient ce qui était bon pour « l’intérêt général », c’est-à-dire pour eux. Aujourd’hui, aux États-Unis, présentés comme la plus grande démocratie du monde, une grande partie du monde du travail a abandonné la politique à ceux d’en haut, soit en s’abstenant, soit en ne s’inscrivant même plus sur les listes électorales. La bourgeoisie s’en accommode, nullement gênée que des millions de travailleurs se disent : « La politique ce n’est pas pour nous. »

En France, c’est la conséquence des désillusions face aux décennies de mensonges, tout particulièrement ceux assénés par les partis censés représenter le monde du travail, le Parti communiste et le Parti socialiste. Ces partis ont cultivé les illusions électorales, en affirmant que les choses ne pourraient changer que si les travailleurs donnaient une majorité à la gauche. Après quoi, une fois au pouvoir, ils se sont chargés eux-mêmes de démontrer par leurs actes qu’ils avaient menti.

Pourtant, ces partis n’ont pas toujours été les plates caricatures qu’on connaît aujourd’hui. Il y eut une époque, avant 1914 pour le Parti socialiste, dans les années 1920 pour le Parti communiste, où au contraire ils ont milité pour donner aux travailleurs une perspective de transformation radicale de la société, de lutte contre l’exploitation capitaliste. En incarnant cette perspective, ils ont permis à la classe ouvrière d’intervenir dans la vie politique, par ses luttes avant tout, mais aussi en étant présente dans les élections et en portant ces idées radicalement opposées à la domination de la bourgeoisie. Bien des travailleurs apprenaient à exprimer leur conscience de classe en votant pour de tels partis.

Mais, de trahison en reniement, les anciens partis ouvriers ont déconsidéré cette démarche, et donc détruit cette idée que la classe ouvrière doit faire de la politique, la sienne, en l’opposant à celle des maîtres de la société. L’abandon de toute affirmation politique spécifique est une impasse pour la classe ouvrière. Il est vital de redonner vie à la politique ouvrière à toutes les occasions, que ce soit lors des conflits sociaux ou des élections, pour affirmer les intérêts spécifiques du monde du travail et montrer que la classe des travailleurs doit combattre pour prendre la direction de la société tout entière. S’abstenir, c’est conforter l’idée que seuls les exploiteurs ont droit à la parole.

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