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Mexique : le candidat de gauche élu à la présidentielle
89 millions de Mexicains votaient le 1er juillet pour élire le président de la République, mais aussi les députés, gouverneurs et maires. Pour la première fois, c’est un candidat de gauche qui a remporté la présidentielle. Andrès Manuel Lopez Obrador, appelé familièrement Amlo, a obtenu 53 % des voix.
Amlo bat le candidat du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), parti du président sortant Enrique Pena Nieto, qui ne fait que 16 % des voix, et la coalition du Parti d’action nationale (PAN) et du Parti de la révolution démocratique (PRD), et ses 22 % de voix. Le PRI a été longtemps le parti unique de la bourgeoisie, de 1929 à 2000, avant de céder la place pendant deux mandats au PAN, autre parti bourgeois.
PRI et PAN sont aujourd’hui très discrédités et le PRD, issu du PRI, n’est pas mieux loti depuis l’assassinat de 43 étudiants à Ayala, dans le Guerrero. Les élus locaux membres du PRD avaient fait appel à la police et à un cartel local de la drogue pour faire disparaître ces étudiants qui les contestaient ; l’affaire a aussi discrédité le président du PRI, du fait de son inertie.
Ce discrédit a bénéficié à Amlo, même le patronat prenant des distances avec son parti naturel, le PRI. Contrairement aux précédents scrutins, la corruption et les achats de vote n’ont pas empêché l’élection de Lopez Obrador. Celui-ci a acquis une partie de son crédit comme maire de Mexico de 2000 à 2005 où il a mené une politique sociale appréciée sur l’éducation et la santé publique. Une femme de son parti, le Mouvement pour la renaissance nationale (Morena), Claude Sheinbaum, vient aussi de chasser le PRD du siège de gouverneur de Mexico qu’il occupait depuis vingt ans.
Amlo a fait campagne contre la corruption, le crime organisé et les inégalités, des sujets brûlants dans un Mexique gangrené par la corruption des politiciens, des policiers et de l’armée. Les neuf cartels de la drogue qui dominent le pays sont intervenus à leur manière, éliminant physiquement 145 hommes politiques dont 48 candidats qui ne leur convenaient pas. Jamais une campagne électorale n’a été aussi meurtrière. Ce qu’on appelle « la guerre à la drogue », une guerre civile qui ne dit pas son nom, a tué quelque 300 000 personnes depuis douze ans et fait plus de 25 000 morts l’an dernier. On dénombre aussi 34 000 disparus. Cette « guerre » n’a pas empêché les cartels d’étendre leurs activités à des pans entiers de l’économie. Ils l’ont fait à leur manière par le vol d’hydrocarbures à la raffinerie Pemex ou celui de récoltes entières d’avocats, un produit phare de l’agriculture mexicaine.
Le succès de Lopez Obrador soulève de l’espoir. Mais il pourrait aussi devenir cause de désillusion. Rien ne dit qu’il pourra mener une politique sociale semblable à celle qu’il a menée à la mairie de Mexico. S’étant affiché catholique, il devrait s’appuyer sur l’Église, et sans doute s’opposer au droit à l’avortement. Il s’est dit « ni chaviste, ni trumpiste », mais cela n’éclaire pas vraiment la politique que mènera le nouveau président vis-à-vis des multinationales américaines, ni même des cartels de la drogue.
Les travailleurs qui espèrent un véritable changement devront donc compter d’abord sur leurs propres luttes. Beaucoup le font déjà. Dans le Guerrero, par exemple, des habitants ont mis sur pied leur propre police pour échapper aux exactions de la police officielle ; des paysans producteurs d’avocats se sont armés pour protéger leurs récoltes des vols des cartels. Le nouveau président ne prendra ses fonctions que dans cinq mois. On pourra alors mesurer si, comme ses prédécesseurs, il reste impuissant face aux bandes armées qui ravagent le Mexique.