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Dans le monde
Allemagne : une extrême droite menaçante
Après plusieurs manifestations à Chemnitz depuis fin août, l’extrême droite a réitéré à Köthen, petite ville de l’est de l’Allemagne. Dans les deux villes, l’extrême droite s’est servie de faits divers tragiques pour organiser des démonstrations de force. Ces manifestations ont été ponctuées de violences et d’insultes racistes.
Depuis fin août, les différents groupes et partis de l’ultradroite, néonazis, identitaires, Pegida (antimusulmans), hooligans, qui habituellement s’évitent, défilent en commun. Leurs cibles sont bien sûr les étrangers, mais les injures contre la chancelière Angela Merkel fusent aussi, et des journalistes locaux ont été pris à partie.
Il est significatif que l’AfD (Alternative pour l’Allemagne), parti d’extrême droite représenté au Parlement depuis l’automne 2017 par 92 députés, n’est pas gênée de défiler avec ces groupes. Les néonazis, auparavant marginalisés, ont défilé côte à côte avec des adhérents et des députés de l’AfD en cravate, et ensemble ils ont entraîné des citoyens ne se réclamant pas jusque-là de l’extrême droite, et encore moins du nazisme.
Le climat politique se dégrade si vite que ni les slogans et saluts nazis, ni les tabassages de personnes en raison de leur apparence, n’ont incité l’AfD à éviter ce voisinage. Pourtant, elle prenait garde jusque-là à conserver un reste de respectabilité, pour apparaître comme une alternative gouvernementale.
Ce qui est frappant aussi est de voir combien l’appareil d’État et une partie de la classe politique ont d’abord été silencieux, sinon complaisants. Alors que la chancelière venait de dénoncer les « chasses collectives » contre des immigrés à Chemnitz, le chef du renseignement intérieur a donné une interview dans un quotidien à fort tirage pour la contredire, niant que ce genre d’exactions se soient produites.
Cette prise de position publique, très inhabituelle, a été couverte par plusieurs dirigeants de la CDU, le parti d’Angela Merkel, et par le réactionnaire ministre de l’Intérieur Seehofer (CSU, parti bavarois conservateur), en conflit depuis 2015 avec Merkel, notamment sur la question des migrants.
Cet épisode et les prises de position qu’il a suscitées illustrent l’affinité de nombreux politiciens conservateurs avec l’extrême droite. La CDU est elle-même divisée, certains prenant position contre Merkel.
Quant à la CSU, elle s’est encore énormément droitisée depuis que l’AfD remporte des succès électoraux, succès retentissants justement en Bavière. Obnubilée par les élections régionales dans ce Land, elle s’est lancée dans une surenchère répugnante avec l’AfD. Sur les réfugiés, elle a durci son discours au point que langage et programme de l’AfD n’ont rien à lui envier.
Ainsi, le ministre-président de Bavière, Söder, a forgé cet été l’expression « tourisme d’asile ». Et, au début des manifestations d’août-septembre, plusieurs responsables de ce parti ont surtout été préoccupés de montrer leur compréhension, sinon leur sympathie, à l’égard des manifestants hostiles aux immigrés. Naturellement, tout cela renforce encore le poids de l’AfD.
En tout cas, sondage après sondage, la CSU baisse dans des proportions assez catastrophiques pour elle, tandis que l’AfD continue de monter. Alors, par calcul électoral, la CSU a depuis peu complètement changé de tactique et, à trois semaines des élections, elle fait mine de découvrir l’extrémisme et la dangerosité de l’AfD.
C’est sans doute assez peu convaincant pour les électeurs, étant donné les discours qu’elle a tenus il y a peu. Cela témoigne surtout du cynisme d’hommes politiques prêts à jouer avec le feu, à faire prospérer les pires préjugés, pour quelques voix de plus, avant de réfuter ces mêmes préjugés si cela peut mieux servir leurs intérêts.
Pendant que la coalition au pouvoir semble tituber d’une crise à l’autre, l’extrême droite prospère et se renforce.