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Dans le monde
Brunei : le sultan tente d’imposer la charia
« Du respect, de la tolérance et de la compréhension », voilà ce que réclame le sultan du petit État de Brunei, qui défend le durcissement de la charia et ses nouvelles lois contre les homosexuels, à l’Union européenne qui a condamné celles-ci. Il s’agit, pour le sultan, d’une loi qui permet de préserver les « valeurs traditionnelles et la lignée familiale ».
Depuis le 3 avril, le monarque de ce petit État pétrolier du nord de Bornéo comptant 430 000 habitants, tente de durcir la loi dite islamique dans ses aspects les plus odieux. Celle-ci impose déjà, entre autres, aux fillettes de quatre ou cinq ans de porter le foulard, et comporterait ainsi la lapidation à mort des suspects d’adultère ou d’homosexualité,.
Pas plus grande que le département du Cantal, cette poussière d’empire est membre du Commonwealth depuis la fin du protectorat britannique en 1984. Le sultan est aussi, depuis 1996 grand-croix de la Légion d’honneur en France ! Dans cette « monarchie absolue islamique de droit divin », comme se définit le sultanat, Hassanal Bolkiah règne depuis plus de 50 ans sur 200 chevaux de course dotés de stalles climatisées, un garage de 5 000 voitures de luxe, plusieurs jets privés dont l’un revêtu de cristal Lalique et feuille d’or, un palais de plus de 1 700 chambres et des sujets à qui il n’est pas conseillé d’exprimer leur opinion.
Outre le sultan, c’est Shell Petroleum qui dirige Brunei, territoire fabriqué pour la major après que le pétrole y fut découvert au début du siècle dernier. La rente pétrolière et gazière a fait de Bolkiah l’un des hommes les plus riches du monde, quoique sa fortune ait fondu de moitié en 2009, en même temps que les prix du brut. Le sultan se targue d’assurer à ses sujets la santé et l’école gratuites, sans prélever d’impôt sur le revenu, mais des dizaines de milliers d’entre eux vivent dans des taudis sur pilotis dont les toits de tôle rouillée tranchent sur fond de palais à coupole dorée. La grève y est bien sûr illégale, un héritage d’ailleurs de la loi coloniale britannique, et les syndicats inexistants, à l’exception du syndicat unique du pétrole, soumis à agrément régulier. Les 20 % d’habitants qui y vivent sous le seuil de pauvreté sont souvent des travailleuses et travailleurs migrants, venus du Bangladesh, d’Inde, d’Indonésie, de Malaisie ou des Philippines. Eux ne connaissent de ce petit pays riche que les très bas salaires versés par leurs employeurs ou maîtres, quand ce n’est pas un esclavage pur et simple.
Mais les fluctuations de la rente pétrolière entraînent des trous d’air dans l’économie brunéienne et, malgré les rapports commerciaux suivis avec la Chine, les habitants peuvent en ressentir les effets négatifs. Un durcissement de la justice, fût-elle appliquée seulement aux musulmans, les deux tiers de la population, ou aux actes touchant des musulmans, peut constituer un adjuvant utile à la dictature du sultan.
Au-delà des protestations internationales, de celles des personnalités du spectacle telles que George Clooney et Elton John, et des appels à boycotter les neuf palaces possédés par Bolkiah à travers le monde, entendra-t-on aussi protester les PDG français de Total Brunei ou de Baiduri bank, associée à la BNP ?