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Editorial
Les migrants sont nos frères de classe
À en croire Matteo Salvini, le ministre de l’Intérieur italien et chef du parti d’extrême droite la Ligue, la marine de son pays a été attaquée par le bateau d’une organisation humanitaire, piloté par une capitaine allemande de 31 ans.
Après avoir fait des va-et-vient aux abords de l’espace maritime italien, en attente d’une autorisation officielle, la capitaine du bateau humanitaire Sea-Watch a décidé de forcer le destin et le blocus des eaux territoriales italiennes. Elle est entrée dans le port de Lampedusa samedi 29 juin, en pleine nuit, pour débarquer enfin les quarante migrants qui avaient été secourus en mer deux semaines plus tôt, alors qu’ils risquaient la mort sur leur canot pneumatique à la dérive.
Voilà l’acte de guerre, comme l’a appelé Matteo Salvini, pour lequel cette jeune capitaine risque dix ans de prison.
Pour les politiciens d’extrême droite comme Matteo Salvini, il faut laisser mourir les migrants en mer ou les ramener à la case départ. Et cela revient presque au même car, poussés par la guerre ou la misère, ou les deux, ils retenteront inlassablement la traversée jusqu’à réussir ou mourir.
La Méditerranée est devenue un cimetière. Depuis 2014, plus de 15 000 personnes venant du continent africain y sont mortes en essayant de rejoindre l’Europe. Et c’est la politique antimigrants de tous les gouvernements européens qui en porte la responsabilité : les gouvernements dirigés par des démagogues d’extrême droite à la Salvini, mais aussi ceux qui le sont par les prétendus progressistes à la Macron. Tous se sont mis d’accord pour rendre les frontières de l’Europe de plus en plus meurtrières et créer cette mini- armée qu’est Frontex, qui empêche les migrants de rejoindre les côtes européennes.
Il faut vraiment que la société capitaliste soit en pleine décomposition pour que des femmes et des hommes cherchant refuge puissent être présentés comme une menace. Si ces 15 000 êtres humains avaient réussi à atteindre l’Europe, au lieu de mourir en mer, quelle menace cela aurait-il représentée ?
Le monde se couvre de plus en plus de barbelés et de frontières empêchant les plus pauvres de passer. Fin juin, les journaux ont montré la photo d’un jeune père de 25 ans et de sa fille de 23 mois, morts noyés alors qu’ils essayaient de traverser le Rio Grande, le fleuve qui sépare les États-Unis du Mexique. Dans l’espoir d’une vie meilleure dans le pays le plus riche du monde que sont les États-Unis, ce jeune cuisinier avait quitté le Salvador avec sa fille et sa femme de 21 ans qui, elle, a survécu.
Des millions de femmes et d’hommes sont poussés à émigrer, parfois au péril de leur vie, à cause du capitalisme et de ses ravages, des guerres et de la misère provoquées par la crise de ce système, à cause du pillage des richesses de la planète par les grands groupes industriels et financiers occidentaux.
En France, depuis des années, des politiciens disent aux travailleurs qu’il est impossible d’accueillir toute la misère du monde et qu’il faut fermer les frontières.
Mais si la misère a aussi grandi ici, ce n’est pas parce que les migrants l’ont apportée du dehors : c’est parce que les capitalistes ont supprimé des millions d’emplois, fermé des centaines d’usines et qu’ils continuent à le faire, comme General Electric à Belfort. C’est parce qu’ils ont écrasé les salaires pour maintenir et accroître leurs profits. Et c’est aussi parce que les gouvernements ont attaqué les travailleurs, en réduisant leurs retraites, en cassant le Code du travail ou en laissant se dégrader des services publics vitaux pour les classes populaires comme les hôpitaux ou les Ehpad.
Pour les politiciens au service du grand patronat, spéculer sur les préjugés contre les migrants, c’est de la démagogie à bon compte et cela détourne les travailleurs des vrais responsables. Pour nous, travailleurs, c’est un poison extrêmement dangereux qui nous divise.
Nous ne pourrons éviter de nous laisser entraîner vers la misère que si, contre nos exploiteurs, nous faisons entendre tous ensemble notre droit à vivre dignement. Être pour la liberté de circulation et d’installation totale des migrants est un geste d’humanité élémentaire. C’est aussi un geste de conscience de classe. Travailleurs français et immigrés, notre sort est lié, et il est entre nos mains.
Éditorial des bulletins d’entreprise du 28 juin 2019