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Leur société
La Réunion : le PCR change de tête… pour ne rien changer
Dimanche 8 septembre, une assemblée générale extraordinaire du Parti Communiste réunionnais (PCR) s’est tenue à Sainte-Suzanne, dans l’île. Le maire de cette ville, Maurice Gironcel, qui faisait office de secrétaire général, devait passer la main à Yvan Dejean, le porte-parole du parti.
Sans surprise, l’orientation nationaliste prise par le fondateur du PCR, feu Paul Vergès, a été réaffirmée, la lutte de classe effacée au profit de l’union de tous les Réunionnais. Cela fait bien longtemps en effet que des mots comme « travailleurs », « exploitation », « chômage » , « bas salaires » ont disparu des discours des dirigeants du PCR.
Après avoir rappelé les difficultés économiques et sociales en termes notamment de logement, d’éducation, de hausses des prix et d’incertitudes sur la filière canne, Julie Pontalba, ex-candidate aux européennes et aux législatives de 2017, concluait : « Nous devons maintenir l’unité du peuple réunionnais... Nous entendons chaque jour autour de nous (…) des attaques envers tel ou tel groupe de personnes, la faute à untel si on n’a pas de logement, la faute à l’autre si on n’a pas de travail. » Et elle ajoutait : « Nous avons besoin d’un changement global, comme en 1946, où c’est tout simplement le statut de l’île qui a été changé. »
La cause de la misère, du chômage, ne serait donc pas selon le PCR l’âpreté au gain des patrons et la course au profit capitaliste, mais les pouvoirs dévolus ou pas aux institutions régionales. L’impasse d’une telle perspective ne gêne pas la direction du PCR, qui n’aspire qu’à prendre sa place dans la gestion du système.
La question des élections municipales à venir a été en effet un sujet essentiel de cette assemblée. Si le mot clé souligné dans la presse du parti est « alliance », le compte-rendu des discours laisse percer en filigrane certaines réticences aux alliances tous azimuts préconisées par la direction. « De nombreux débats ont lieu au sein du comité central afin de donner les grandes lignes politiques et électives de cette élection et des prochaines », peut-on lire.
Il est arrivé que les alliances passées avec des hommes réputés ennemis du PCR aient pris au dépourvu les militants. Maurice Gironcel, se drapant derrière la statue du fondateur du PCR, a donc tenu à rappeler : « Quand Pierre Lagourgue (droite), Paul Vergès et Camille Sudre (fondateur de radio Freedom) décident de se rassembler pour élaborer un plan de développement actif, pour nous ce n’est pas un zembrocal avarié ou un arrangement derrière la cuisine, mais bien ce que nous appelons, nous, l’alliance. »
Et d’assurer qu’une telle alliance « n’est pas nouvelle pour le Parti communiste réunionnais ». Ce qui est vrai.
Au fil des ans et des élections, le PCR a cherché souvent des alliés à sa droite. Ces alliances électorales tous azimuts, comme celle qui amena Thien Ah Koon, un farouche adversaire du PC, à se retrouver sur la liste de Vergès aux élections régionales de 2010, déboussolèrent bien des militants et électeurs, auxquels le parti et son dirigeant tentèrent à chaque fois de faire avaler l’amère pilule en expliquant qu’il s’agissait de stratégies pour rester dans les instances dirigeantes et peser sur les décisions. Pire même, ces zigzags électoraux firent perdre à de nombreux militants dévoués et combatifs le crédit acquis au cours de luttes menées aux côtés des travailleurs et des petits planteurs.
Non seulement, comme Vergès dans le passé, le PCR n’offre aux classes populaires de l’île aucune autre perspective qu’électorale, mais il défend une politique de collaboration de classes visant à se faire accepter par les possédants de l’île. Le PCR s’est d’ailleurs mis à leur service, en particulier à la tête de la région.
Pour les prochaines municipales, loin d’affirmer un programme, Maurice Gironcel a évoqué plusieurs cas de figure possibles : « Soit une tête de liste PCR, soit une liste conduite par un ou une membre d’un autre parti ou une personnalité, sur laquelle peuvent se trouver des camarades. »
Le PCR continue d’engager ses militants, sympathisants, électeurs dans une politique gestionnaire, bien loin des idées communistes et de la lutte de classe. Au contraire, à La Réunion comme ailleurs, le monde du travail, qui produit toutes les richesses, a besoin de se débarrasser des illusions électorales et de lutter pour imposer ses intérêts matériels et politiques face à une bourgeoisie de capitalistes prédateurs.