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- Lutte ouvrière n°2694
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Dans les entreprises
RATP – bus parisiens : pour la protection des conducteurs et des voyageurs, c’est l’incurie
Dans les dépôts de bus, il a fallu faire pression sur la direction avec des droits de retrait et des protestations pour qu’elle évolue un peu sur la question de la protection des agents.
Au départ, elle n’a autorisé que la montée de la vitre antiagression dans les bus, refusant jusqu’au 16 mars de suspendre la vente de tickets qui entraînait la manipulation de monnaie. Toute sa communication consistait en conseils de comportement comme le fait de ne pas se serrer la main… mais pour encaisser de l’argent, pas de problème !
La direction de la RATP a ensuite fait distribuer du gel hydroalcoolique en bouteilles, dont certaines périmées en février 2020. Les demandes de gants et de masques étaient repoussées. Il y avait aussi des terminus sans savon, les distributeurs étant hors service ou vides, car l’approvisionnement est fait par l’entreprise de nettoyage qui ne passe qu’une fois par jour. Et il a fallu le dénoncer pour que cela change un peu.
Quand des conducteurs ont exercé de ce fait leur droit de retrait, ils ont été pointés en « code 800 », c’est-à-dire en absence injustifiée, avec retenue sur salaire et effet sur leur dossier pour bloquer toute mobilité interne et inscription à un concours, voire menace de sanction. La direction s’est appuyée sur les propos de la ministre du Travail Muriel Pénicaud, disant que, puisqu’elle appliquait les préconisations du ministère de la Santé et de la Médecine du travail, le droit de retrait ne pouvait s’appliquer. C’est pourtant à un juge d’en décider si l’employeur le conteste. Aujourd’hui, certains « codes 800 » seraient retirés au vu de l’évolution de la situation et du mécontentement qui en découle.
Il a fallu que deux cas de machinistes testés positifs au virus se déclarent au dépôt de Thiais pour que la direction accepte enfin de livrer les lingettes désinfectantes longtemps refusées, alors que les conducteurs se succèdent sur le poste de conduite durant toute la journée. Mais comme pour les bouteilles de gel, dans beaucoup de dépôts la distribution a été fastidieuse et lente, car les paquets de lingettes n’étaient à disposition qu’au service administratif du dépôt, et pas dans les terminus, où la majorité des conducteurs commencent leur service l’après-midi et le soir.
Le nettoyage du poste de conduite est toujours un sujet de litige, puisqu’il a été lui aussi laborieusement décidé et organisé, et souvent sans que l’équipe de nettoyage de l’entreprise sous-traitante ait d’effectifs supplémentaires. Ce nettoyage n’était pas fait, par exemple, dans les nuits des samedi et dimanche faute d’effectif, ou pour les bus de nuit rentrant vers 6 heures du matin et ressortant vers 7 heures.
Quant au nettoyage des barres de soutien à l’intérieur des bus, il n’a pas été fait quotidiennement, et commence à peine à se mettre en place, dans certains dépôts seulement. Cela n’a pas empêché de grands médias de faire des reportages rapportant les propos rassurants du secrétaire d’État aux transports disant qu’un nettoyage renforcé de l’intérieur des bus et des rames de métro était effectué, afin de rassurer les usagers et de les pousser à s’entasser dans les transports en commun pour aller au travail.
Pour les travailleurs des entreprises sous-traitantes de nettoyage, la situation est encore pire. On ne leur fournit aucun équipement de protection de type blouse jetable, masque, gants jetables. Ils ont juste leurs gants habituels de ménage, et pas de bouteilles de gel hydroalcoolique pour se protéger, alors qu’ils passent des heures dans les bus qui ont circulé toute la journée, ou à nettoyer les locaux des terminus ou des dépôts.
Même pour informer sur les gestes de protection, la direction s’est contentée d’afficher trois feuilles sur une vitre. Il n’y a pas eu de petits déjeuners organisés ou de présence de l’encadrement dès 4 h 30 du matin, comme on l’a vu chaque jour durant les deux mois de la grève. Face aux conducteurs de bus inquiets à juste titre, la direction a minimisé les risques, car elle est trop bien dressée à les faire toujours rouler, quel que soit le problème.
D’ailleurs, depuis les annonces de confinement à partir du 17 mars, les conducteurs de bus constatent qu’ils n’ont plus le droit de boire une bière entre copains, mais qu’ils ont le droit de côtoyer leur chef. Ils n’ont plus le droit de serrer les mains, mais ils peuvent transporter des centaines de voyageurs dans leur bus, partager avec leurs collègues les mêmes poignées de portes du dépôt, des terminus, les mêmes w-c. On leur donne une bouteille de gel hydroalcoolique et quelques mini-lingettes pour faire face à tout cela, du moins s’il n’y a pas de pénurie dans la distribution.
Les conducteurs de bus se demandent pourquoi ils se retrouvent ainsi mis en danger alors qu’on parle de confinement et de nécessité de réduire les contacts. Certes, il faut transporter les travailleurs de la santé, des supermarchés, du nettoyage de locaux, et autres activités nécessaires, mais, comme le disent les médecins, l’intérieur d’un bus est un lieu à risque… La direction doit trouver les solutions qui permettront de le réduire au maximum pour les salariés transportés et ceux qui les transportent.