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Dans le monde
Grande-Bretagne : après le Brexit, l’exit de l’Écosse ?
Les conséquences économiques de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE) sont loin d’être toutes prévisibles. Mais elle a d’ores et déjà un impact politique en Grande-Bretagne, par le coup de pouce qu’elle donne au nationalisme écossais.
Le Brexit mécontente une bonne partie des électeurs d’Écosse. Alors que, lors du référendum du 23 juin 2016, le Brexit l’avait emporté à l’échelle du Royaume-Uni, les électeurs écossais s’y étaient largement opposés (62 %). Cela donne du grain à moudre au parti nationaliste écossais, le SNP, qui prône une sortie du Royaume-Uni afin, dit-il, de pouvoir mieux revenir vers l’UE. La Première ministre écossaise, la nationaliste Nicola Sturgeon, a sauté sur l’occasion pour rappeler qu’elle proposerait bientôt l’organisation d’un référendum sur le sujet. Celui organisé le 18 septembre 2014 avait donné une courte victoire (55 % contre 45 %) aux partisans du maintien de l’Écosse au sein du Royaume-Uni. Mais tous les sondages récents donnent la victoire aux séparatistes en cas de nouvelle consultation, consultation à laquelle Boris Johnson vient de déclarer qu’il ne compte pas donner son feu vert.
Les ressorts de cette évolution sont fondamentalement les mêmes que ceux qui ont entraîné la croissance du courant nationaliste écossais dans les années 1970-1980 et ont permis au SNP de devenir en Écosse le parti majoritaire depuis 2007 : ils vont du rejet des politiques antiouvrières menées par les gouvernements britanniques successifs, des conservateurs Thatcher à Johnson en passant par le travailliste Blair, à l’illusion que l’indépendance de l’Écosse permettrait de rompre avec l’austérité. La gestion désastreuse de la pandémie par le gouvernement Johnson, la dégradation de la situation sociale dans le pays, avec la hausse de la pauvreté, la baisse de l’espérance de vie, n’ont fait qu’apporter de l’eau au moulin du souverainisme à l’écossaise.
Dans sa gestion des institutions écossaises, le SNP a depuis 2007 usé des quelques prérogatives que lui laissent les lois sur la décentralisation des années 1998-1999 pour refuser d’appliquer à l’échelle de l’Écosse certaines des mesures les plus rétrogrades décidées par le gouvernement britannique. Ainsi, les frais de santé ou d’inscription à l’université n’y ont pas explosé comme dans le reste du Royaume-Uni. Le SNP, parti bourgeois marqué à droite lors de sa création en 1934, a ainsi réussi depuis vingt ans à siphonner les voix ouvrières qui se portaient traditionnellement sur le Parti travailliste.
Jusqu’où le SNP est-il prêt à aller ? Ses dirigeants, au-delà des discours romantiques, savent bien qu’une Écosse indépendante serait confrontée à des problèmes importants. La région est excentrée, ne comporte que 5,5 millions d’habitants et sa plus grande ressource, le pétrole de la Mer du Nord, s’amenuise déjà, rendant l’hypothèse d’une Écosse riche comme le Koweït de moins en moins crédible. Surtout, son économie est si profondément liée à celle de l’Angleterre qu’une séparation entre les deux territoires serait encore plus absurde, si c’est possible, que celle qui vient d’être officialisée entre le Royaume-Uni et l’UE.
Il n’est donc pas certain que le SNP s’engage vers une rupture aussi radicale que celle qu’il prône parfois devant ses électeurs. Ainsi, il annonce d’avance qu’une Écosse indépendante conserverait comme chef d’État... la reine d’Angleterre ! Par bien des côtés, une autonomie accrue pourrait suffire à ses responsables, en leur permettant de préserver la place au soleil qu’ils ont déjà réussi à se faire et de continuer à en faire profiter le patronat régional.
Reste qu’en temps de crise, comme l’illustre la tragicomédie du Brexit, les guéguerres politiciennes sur fond de surenchère nationaliste peuvent déboucher sur de vrais bouleversements. Les classes dirigeantes préfèrent sans doute les éviter, mais elles peuvent aussi s’en accommoder, dans la mesure où elles permettent, après tout, de canaliser la colère de populations déboussolées. Pour les travailleurs écossais, plongés dans des difficultés grandissantes par la crise du capitalisme, au même titre que les prolétaires anglais, gallois, irlandais... et ceux de tous les pays, il serait bien sûr dramatique de se laisser coincer dans cette impasse.