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Mali : morts dans une guerre sans issue
Une sergente et un brigadier de la force Barkhane sont morts au Mali le 3 janvier, à la suite de l’explosion d’une bombe artisanale qui a détruit leur véhicule. Trois autres avaient péri quelques jours auparavant, ce qui porte à cinquante le nombre de militaires français tués en opération depuis le début de Barkhane.
La ministre des Armées, Florence Parly, n’a pas manqué de déclarer : « Les terroristes utilisent l’arme des lâches ». Comme si les bombes lancées par les bombardiers français et l’usage de drones tueurs étaient la preuve d’un courage exceptionnel ! Ces deux militaires ne sont pas « morts pour la France », selon la formule rebattue de la ministre, car les travailleurs français n’ont aucun intérêt dans cette guerre. Ils ont péri pour que l’impérialisme français puisse conserver un pied dans ces pays qui furent ses colonies et que ses trusts y bénéficient d’un accès privilégié aux richesses.
Ces décès tombent mal pour Macron, qui ne cesse de déclarer que la situation sur le terrain s’améliore parce que des centaines de djihadistes ont été tués, dont certains de leurs chefs. Le fait que le nombre de militaires français tombés au Sahel atteigne maintenant cinquante semble au contraire délier les langues et l’on voit même des chefs militaires affirmer que cette guerre ne peut être gagnée. Il y a un an, au sommet de Pau, Macron avait annoncé l’envoi de 600 hommes supplémentaires, portant l’effectif de Barkhane à 5 100 hommes. La preuve est faite aujourd’hui que cela n’a pas réduit l’influence des groupes djihadistes, et il s’apprête peut-être à les retirer.
Depuis huit ans, les ministres français de la Défense répètent, comme Florence Parly aujourd’hui : « Nous n’avons pas vocation à rester éternellement ». Mais, depuis huit ans également, les dirigeants français ne voient pas comment se sortir du bourbier dans lequel ils se sont mis en envoyant leur armée au Sahel. Un an et demi après l’intervention militaire au Mali, la traque des djihadistes dans les pays voisins devait permettre de les anéantir. L’opération Barkhane a étendu le champ d’action des militaires français au Burkina Faso, au Niger, au Tchad et à la Mauritanie. Le seul résultat a été de déstabiliser à leur tour des zones entières de ces États, comme au Niger où cent villageois viennent d’être assassinés lors d’une attaque meurtrière.
Les dirigeants français ont aussi cherché à sous-traiter la guerre aux armées de ces pays, en créant avec ceux-ci le G5 Sahel. Cette force s’est montrée totalement inefficace, et Florence Parly elle-même est obligée d’avouer que « le temps est nécessaire pour que nos partenaires sahéliens soient capables de répondre eux-mêmes à la menace ». Entre-temps, ces armées nationales se sont illustrées par de nombreuses exactions contre les populations, et même dernièrement au Mali par un coup d’État en renversant le pouvoir.
Le gouvernement français a aussi tenté de se décharger sur des troupes européennes en créant la force Takuba composée d’hommes de leurs forces spéciales, mais pour l’instant seuls 40 soldats estoniens en font partie, peut-être rejoints bientôt par des Suédois. Aucun pays n’est pressé d’aller se jeter dans cette guerre pour défendre les chasses gardées de l’impérialisme français.
Le gouvernement malien a de son côté discrètement entamé des pourparlers avec certains groupes djihadistes et n’écarte pas l’option de partager une partie du pouvoir avec eux et de s’en faire des alliés contre d’autres groupes. C’est ce qui avait été fait en 2015 lors des accords d’Alger entre le Mali et les mouvements touareg indépendantistes. Du côté français, cette issue était jusque-là taboue, mais là aussi le ton change, et aujourd’hui on se demande plutôt avec quel groupe négocier, ou s’il faut laisser le gouvernement malien négocier.
Nul ne peut dire comment l’armée française se sortira du Sahel, mais une chose est certaine : les jeunes soldats qui sont tués là-bas meurent dans une guerre sans issue, et celles et ceux qui les y envoient le savent parfaitement.