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Marins : prisonniers au long cours
Après l’Australie en novembre, le Canada a décidé le 19 janvier d’appliquer le règlement concernant la relève des équipages de la marine marchande. Depuis le début de la pandémie en effet des centaines de milliers de marins au long cours sont bloqués sur leurs navires pendant des périodes excédant de beaucoup les onze mois réglementaires
La restriction des transports aériens, les obligations de quarantaine, les interdictions de descendre à terre font que les relèves d’équipages ne sont pas assurées. Celles-ci s’effectuent d’ordinaire dans un port quelconque où le nouvel équipage arrive de divers pays en avion et d’où l’équipage relevé repart par le même moyen.
Cette opération est rendue difficile et coûteuse par la pandémie, mais pas impossible, exactement comme la protection des travailleurs des autres secteurs. Les grandes compagnies ayant pignon sur rue et sensibles aux protestations des syndicats, aux reportages à la télévision et à l’émotion de l’opinion publique, ont effectué la relève de certains leurs marins, souvent les plus qualifiés ou les titulaires de la carte d’identité nationale. Les navires croisant dans l’océan Indien peuvent ainsi, lorsque les armateurs acceptent de payer, effectuer une relève sécurisée à La Réunion. Mais les quelques milliers de marins qui ont ainsi été relevés depuis l’été sont une goutte d’eau dans la mer.
L’Organisation internationale du Travail a publié en juillet une note rappelant que la durée maximum d’embarquement est de 11 mois, éventuellement prolongeable si les marins sont volontaires. En novembre, les autorités d’un port australien ont constaté que des marins étaient au travail depuis, 18, 20 et même 24 mois et absolument pas volontaires ! Le navire a été retenu et l’Australie a annoncé que devant des cas semblables elle se retournera désormais contre les armateurs. Le 19 janvier, un deuxième pays, le Canada, a annoncé vouloir à son tour appliquer la loi de la seule façon possible, en retenant le navire jusqu’à ce que l’armateur organise la relève à ses frais.
Même si cela n’en reste pas à des discours, ce sera difficile à appliquer. Les armateurs les plus véreux préfèrent souvent abandonner l’équipage, la cargaison et même le bateau plutôt que de payer ce qu’ils doivent. Mais les gouvernements des prétendues nations civilisées, comme la France, n’ont même pas pris la peine de faire appliquer la loi, tant la protection des profits et le droit des patrons leur sont sacrés. Pendant ce temps des dizaines de milliers de marins sont prisonniers, épuisés, séparés des leurs. Des naufrages récents ne s’expliquent que par cet épuisement, les cas de suicide sont avérés. À quand les mutineries ?