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Algérie : les jeunes du Sud se révoltent
Un vent de révolte souffle dans tout le Sud algérien. Partie de Ouargla, la protestation sociale s’est étendue à de nombreuses localités, portée par une jeunesse touchée de plein fouet par la crise. Ces régions, qui concentrent les richesses en hydrocarbures du pays, abritent les populations parmi les plus déshéritées.
La dégradation des services publics, des routes, l’absence d’infrastructures de santé et de loisirs, qui touchent l’ensemble du pays, se posent avec plus d’acuité dans le Sud. Quant à la crise sociale, elle y a des effets encore plus dévastateurs auprès d’une jeunesse qui se sent marginalisée. Celle-ci subit un chômage de masse et n’accepte pas que la plupart des emplois proposés par les sociétés pétrolières lui échappent et soient occupés par des travailleurs venus du Nord. Cela ne fait qu’aiguiser un profond sentiment d’injustice et d’exclusion. S’y ajoute un quotidien dégradé par une pénurie de logements, par des coupures d’électricité qui rendent encore plus insupportables les chaleurs caniculaires.
Depuis début juillet, de Touggourt à Hassi Messaoud en passant par Ain Beïda, les jeunes chômeurs crient leur colère et demandent des comptes aux autorités. Ainsi à Ouargla, ils dressent chaque jour des barricades sur les principaux axes routiers. Ils réclament du gouvernement le départ de plusieurs responsables locaux de l’Agence nationale de l’emploi (ANEM), la mise à l’écart de l’actuel préfet de Ouargla et la création en toute urgence d’au moins dix mille emplois.
Leurs protestations quotidiennes, blocages de routes, marches ou rassemblements se transforment en affrontements avec les forces de police. Le nouveau gouvernement qu’Abdelmadjid Tebboune vient de former, après des élections législatives marquées par une abstention record, a choisi d’étouffer leur révolte par la répression, craignant sans doute qu’elle s’étende à d’autres régions.
Un autre danger plane sur cette révolte, celui d’être détourné sur un terrain communautaire contre les travailleurs du Nord. Il est alimenté par les courants politiques conservateurs, qui s’appuient sur les sentiments d’exclusion existants, pour dresser les chômeurs du Sud contre les travailleurs originaires du Nord, pour préserver les intérêts des privilégiés du régime. Ces manœuvres représentent une impasse, alors que les sentiments contre l’injustice sont partagés par l’ensemble des classes populaires de tout le pays.
En effet, le mécontentement est toujours profond, nourri par la corruption, l’effondrement du pouvoir d’achat et une pauvreté qui s’aggrave. Ces dernières semaines, le manque d’accès à l’eau potable a alimenté la colère de la population du nord, qui l’a exprimée en bloquant plusieurs axes routiers, dont la route qui mène à l’aéroport d’Alger. Dans la capitale, l’eau n’est accessible que quatre heures tous les deux jours, et le calendrier des coupures n’est pas toujours respecté. Cette situation était prévisible, mais le gouvernement n’a rien fait pour procéder à de nouveaux forages, ou pour mettre en route une station de dessalement d’eau de mer promise depuis longtemps. En revanche, il rend la population responsable de la situation, l’accuse de gaspiller l’eau, et mène une campagne pour justifier ainsi l’augmentation de son prix.
Le pouvoir algérien a toutes les raisons de craindre les réactions d’une population défiante à son égard et excédée par une situation sociale qui ne peut aller qu’en empirant.