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Russie : “du sang et des larmes” pour la population
« La situation actuelle [de la Russie] pourrait être qualifiée sans aucun doute de la plus difficile depuis trois décennies. » « Jamais de telles sanctions n’avaient été utilisées, même aux heures les plus sombres de la guerre froide. » Ces affirmations émanant du Premier ministre russe, Michoustine, on ne saurait y voir des exagérations.
Le 7 avril, le même a déclaré qu’il fallait s’attendre « d’ici le mois de juin à une envolée du chômage ».
De mauvaises nouvelles n’arrivant jamais seules, ce même jour, le Kremlin reconnaissait enfin qu’en Ukraine « nous avons connu des pertes de soldats significatives, ce qui est une énorme tragédie pour nous ».
Malgré la censure, les arrestations et les condamnations, qui continuent, de ceux qui critiquent les fauteurs de guerre au pouvoir, la population voit revenir les cercueils des soldats tués en Ukraine. Même si le Kremlin ne les a pas chiffrées, ces pertes seraient de près d’un militaire sur quinze engagés sur le terrain.
Quant à la situation économique, elle ne cesse de se dégrader. Toutes les usines d’automobiles à capitaux étrangers sont à l’arrêt, de nombreuses entreprises à capitaux russes ne tournent plus qu’au ralenti. Le Premier ministre a annoncé que toute la hausse du Produit intérieur brut (PIB) serait absorbée par l’indemnisation des entreprises en berne ainsi que des travailleurs ayant perdu leur emploi. Et il est probable que cela ne suffira pas car, il l’a dit, la situation va empirer sur le plan du chômage. Alors le soudain semblant de franchise du pouvoir n’est rien d’autre qu’une façon de préparer l’opinion et les classes populaires aux sacrifices qu’il va exiger d’elles.
Dans un rapport sur la guerre, la Banque mondiale estime que ses conséquences en termes de PIB, effroyables pour l’Ukraine (- 45,1 %), seront très dures en Russie (- 11,2 %). Et plus encore si la guerre s’enlise, ce qui semble se dessiner.
La presse économique russe et internationale a chiffré ce que les sanctions auraient fait perdre aux oligarques, ces magnats qui n’avaient jusqu’à présent cessé de s’enrichir en faisant preuve d’une loyauté absolue au régime. Selon le magazine Forbes, leur fortune a fondu de 42 % en un an. Les banques russes ont, elles, 200 milliards de dollars gelés du fait des sanctions.
Même ainsi, les nantis de Russie ont plus que de quoi voir venir. Mais ce qu’ils voient venir, ce sont de nouvelles vagues de sanctions, une guerre qui, en s’enlisant, entrave la marche de leurs affaires. Du coup, certains recommencent à regimber, tel Deripaska, le roi de l’aluminium , qui avait déjà frondé au début de la guerre. Il demande maintenant que l’on fasse toute la vérité sur les responsables de la tuerie de Boutcha. Il veut se dédouaner vis-à-vis des instances du monde impérialiste, quitte à critiquer ceux qui mènent cette guerre du côté russe et la façon dont ils la mènent.
Poutine procède à une valse des responsables à la tête de l’armée et des services de renseignement. En désignant des boucs émissaires, il veut donner le change. Combien de temps le pourra-t-il encore si cette guerre s’éternise ?