Hôpitaux en crise : embaucher, une urgence vitale24/05/20222022Journal/medias/journalarticle/images/2022/05/P6-1_Hopital_malade_OK_Lupo.jpg.420x236_q85_box-0%2C126%2C452%2C381_crop_detail.jpg

Leur société

Hôpitaux en crise : embaucher, une urgence vitale

« Assurer l’accès aux soins pour tous » serait la priorité de la nouvelle ministre de la Santé, Brigitte Bourguignon, qui a aussitôt refroidi les naïfs en ajoutant : « Ma feuille de route est claire, c’est celle du président. »

Illustration - embaucher, une urgence vitale

Son prédécesseur, Olivier Véran, est fier de son bilan. Il n’y a pourtant pas de quoi : la santé est gravement en crise, l’hôpital est au bord de la rupture, ne tenant que grâce à des bouts de sparadrap et à l’esprit de responsabilité de ceux qui le font tourner. Les services d’urgence sont en pleine rupture. Les Ehpad et maisons de retraite maltraitent ceux qui y vivent et épuisent ceux qui y travaillent. La médecine de proximité devient inaccessible dans bien des régions.

Pourtant « il y a des postes, il y a des budgets, il y a de l’argent, il y a des salaires qui ont été augmentés pour recruter des soignants », prétendait Véran avec aplomb il y a peu. Si la crise de l’hôpital s’est approfondie, « je ne crois pas que ce soit un problème de salaire », a-t-il avancé, mais « un problème d’organisation, de bureaucratie, de charge administrative […] ainsi qu’un problème de fatigue » après le Covid. Il y a là de quoi faire grincer bien des dents parmi les travailleurs hospitaliers épuisés.

Car le bilan de Véran, additionné à celui de ses homologues dans les gouvernements précédents, de droite comme du PS, est confondant. Au moins 120 services d’urgence, un sur cinq, sont dans l’incapacité de fonctionner normalement et d’accueillir les patients 24 heures sur 24. L’été dernier, plus de la moitié d’entre eux ont dû fermer, parfois la nuit, parfois le week-end, et la situation pour l’été prochain s’annonce sombre, si rien n’est fait. Certains services fonctionnent en mode dégradé, avec une partie seulement de leurs capacités d’accueil, faute de place, faute de personnel urgentiste, faute de lits dans les autres services. Près de la moitié des grands hôpitaux, CHU et CHR, sont touchés par cette crise. Le CHU de Bordeaux a même mis en place devant la porte un tri assuré par des bénévoles secouristes, ou un poste téléphonique pour joindre le Samu.

Les chiffres sont là : 75 000 lits ont été fermés en dix-huit ans, sous les présidences de Chirac, Sarkozy, Hollande et Macron, qui en a supprimé plus de 5 700 pendant la seule année 2020. L’orientation croissante vers la chirurgie ambulatoire découle de ce souci d’économies et de rentabilité de l’hôpital. L’absence d’embauches et les salaires indécents sont à l’origine de l’état d’épuisement et du découragement de bien des travailleurs de l’hôpital. Les horaires intenables, les heures supplémentaires de dernière minute ou auto-imposées, les congés impossibles à prendre, en conduisent certains à partir. Enfin le déficit de médecins de ville et la disparition des petits dispensaires de quartier font de plus en plus reposer la santé sur l’hôpital, dont les travailleuses et les travailleurs craquent.

Présent lors de la prise de fonction de la nouvelle ministre, le 21 mai, le médecin urgentiste Patrick Pelloux commentait : « Ils nous ont écoutés, ça faisait un peu réunion de crise et psychothérapie de groupe mais on n’en a pas besoin. » En effet, quand il manque une infirmière sur dix dans les hôpitaux de Paris, quand un des services d’hématologie de l’hôpital Saint-Louis est mis en péril, ce qu’il manque, ce sont les milliers d’embauches, avec des salaires corrects qu’une faible part des 160 milliards de profits réalisés par les capitalistes du CAC 40 en 2021 rendrait à elle seule possible.

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