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Dans le monde
Russie-Ukraine : ceux qui mènent la guerre, ceux qui la subissent
Zelensky, le président ukrainien, s’est félicité à pleine voix des 6 000 km² que son armée a repris à celle de Poutine dans le nord-est de l’Ukraine. Et il peut remercier le camp occidental pour l’envoi massif d’un armement moderne dont le rôle a de toute évidence été décisif dans cette progression du front ukrainien.
Les troupes russes ont donc évacué Izioum et les abords de Kharkiv, une ville de plus d’un million d’habitants qu’elles encerclaient de fait.
Cela étant, le Kremlin, qui a rameuté des renforts, ne peut pas rester sur un recul. Cela d’autant plus que, même si c’est très limité à l’échelle de la Russie, des élus municipaux de Moscou et de Saint-Pétersbourg viennent de lancer une pétition réclamant la démission de Poutine.
Mettre en cause ce dernier dans son « opération militaire spéciale », avec son coût humain et matériel monstrueux, est risqué pour ceux qui ont pris cette initiative. Mais, du moins on le suppose, ils ont pensé qu’il était possible d’agir ainsi parce qu’ils savaient se faire l’écho d’un refus réel d’une guerre qui ne dit pas son nom. Un refus pour l’heure surtout muet et passif dans la population, et la police du régime y veille, mais qui pourrait prendre demain un tout autre tour.
Ayant essuyé un revers militaire, Poutine doit déjà chercher des boucs émissaires. Plus encore, il doit chercher de la chair fraîche à envoyer tuer et se faire tuer dans les tranchées du Donbass, les avant-postes de Kherson ou dans les tanks sillonnant les champs au nord de la Crimée. Et à en juger par l’intensification des bombardements sur Kharkiv et ses alentours, une chose est sûre : la guerre ne va pas se terminer de sitôt. Car à l’approche de l’hiver, qui gèlera les mouvements de troupes, chaque camp va vouloir avancer ses positions pour les mois à venir, quoi qu’il en coûte en termes humains et matériels.
Certes, Zelensky aurait voulu, comme il l’avait annoncé il y a deux mois, pouvoir rejeter les troupes russes derrière le Dniepr, en les chassant de la grande ville de Kherson qu’elles occupent depuis six mois. Faute de l’offensive victorieuse promise, il fait mousser au maximum les gains de terrain, au demeurant modestes, à Izioum et Kharkiv. C’est de bonne guerre de communication. Mais de quels gains la population peut-elle se féliciter, non pas dans les termes ronflants des communiqués, mais dans la réalité ?
Par exemple, les médias ont montré des policiers souriants reprenant possession du terrain à Kharkiv. Mais ils se sont gardés d’aller interviewer les travailleurs du dépôt de tramways N°2, qui n’ont pas vu la couleur de leur salaire depuis des semaines. Lassés de se voir mener en bateau par les autorités, ils les ont menacées de grève si leur paye n’était pas versée le 16 septembre.
Il n’y a pas que cela. Depuis le début de la guerre, 2,7 millions d’Ukrainiens sont officiellement répertoriés comme n’ayant plus de toit sur la tête. Mais, à ce jour, les autorités ne leur ont proposé que 40 000 relogements ! Pourtant, surtout loin des combats, les chantiers de construction ne manquent pas. Mais ils sont pour ceux qui ont les moyens d’acheter un logement, pas pour ceux qui ont tout perdu et dont le sort ne préoccupe pas plus les gens au pouvoir que leur première datcha.