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Dans le monde
Liban : naufrage d’un bateau et d’un pays
Au moins cent personnes sont mortes, et dix-sept disparues, au large des côtes syriennes lors du naufrage, le 22 septembre, d’un bateau parti du Liban. Le bilan pourrait être encore plus lourd, le bateau, surchargé et dans un état lamentable, pourrait avoir embarqué 150 passagers.
Ces migrants, en majorité libanais mais aussi syriens et palestiniens, fuyaient le délabrement de leurs pays pour rejoindre Chypre, distante de 175 kilomètres, première étape vers une Europe où ils pourraient espérer un avenir.
Il y a bien longtemps que le Liban n’est plus « la Suisse du Moyen-Orient », mais la détérioration économique du pays s’est accélérée avec la crise économique de 2019, conduisant à un appauvrissement général de la population. La situation s’est agravée le 4 août 2020. L’explosion des silos du port de Beyrouth avec son lot de victimes et de destructions laissées en l’état par les clans mafieux au pouvoir, a achevé de plonger la population dans la misère.
Les restrictions bancaires, la spoliation des épargnants et les dévaluations successives ont sapé le pouvoir d’achat des Libanais des milieux populaires. En trois ans, la monnaie a perdu 95 % de sa valeur face au dollar, tandis que les prix étaient multipliés par dix. Fin 2021, 80 % des Libanais et 90 % du million de Syriens réfugiés au Liban vivaient sous le seuil de pauvreté. À cela s’ajoutent les coupures de l’électricité publique, qui ne fonctionne que deux à trois heures par jour, forçant nombre d’habitants à avoir recours à des générateurs d’électricité privés si, entre autres problèmes, ils ne veulent pas voir leur alimentation pourrir dans les frigidaires. Or, ces générateurs sont souvent aux mains de clans mafieux qui en tirent profit, au point que les salaires ne couvrent qu’à peine les dépenses d’énergie.
La corruption règne et les différents clans se déchirent pour tirer à eux le maximum de richesses aux dépens des habitants d’un pays qui sombre dans la ruine. Dans ces conditions, beaucoup ne voient d’autre solution que l’émigration. En août 2021, un ancien député révélait que le nombre de demandes d’immigration pour l’Amérique du Nord et l’Europe concernait 330 000 personnes, essentiellement des intellectuels ou des hommes d’affaires. Les plus riches n’ont pas de problèmes pour quitter le pays, il leur suffit de prendre l’avion. Mais les Libanais des classes populaires et les réfugiés syriens ou palestiniens vivant dans les camps n’ont guère d’autre choix que de se jeter dans les griffes des passeurs, payant quand même jusqu’à 5 000 dollars par adulte. Selon l’ONU, depuis 2020, au moins 38 bateaux de migrants auraient quitté le pays. Si le naufrage du 22 septembre s’est traduit par une hécatombe, déjà en avril dernier, dix passagers avaient péri, et six début septembre.
La situation du Liban rejoint maintenant celle de nombreux pays du Moyen-Orient ou d’Afrique, où la misère pousse des hommes et des femmes toujours plus nombreux à quitter le pays dans l’espoir d’une vie meilleure, au risque d’y laisser leur vie après y avoir laissé leurs maigres économies.