Qatar : le Mondial du business30/11/20222022Journal/medias/journalnumero/images/2022/11/2835.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Qatar : le Mondial du business

Le Mondial de football suit son cours jusqu’au 18 décembre au Qatar, et tout se passe bien pour les organisateurs. Les matches se succèdent, les joueurs marquent des buts, et plus de trois milliards de téléspectateurs devraient regarder la compétition sportive la plus suivie au monde.

Tous les ingrédients sont ainsi réunis pour une réussite : le football est le sport le plus populaire, la fibre patriotique vibre, les joueurs sont souvent des célébrités dans leur pays, et les matchs gardent leur part de suspense, voire d’intensité dramatique. Le déroulement de la compétition a même un peu mis en sourdine les critiques sur l’organisation du tournoi et sur son impact environnemental. Il n’empêche que le tournoi, avec ses buses de climatisation placées sous les sièges de stades qui ne serviront que pendant un mois, et ses pelouses qui ont poussé grâce à un arrosage colossal et à de l’insufflation d’air froid, a un côté irréel, à la mesure des sommes investies, quelque 220 milliards de dollars, soit l’équivalent des PIB cumulés du Kenya, de l’Éthiopie et de la Syrie.

Un certain nombre de joueurs ont voulu protester contre l’homophobie et la misogynie du régime qatari. Mais la FIFA veille au grain. Elle a même refusé que les joueurs européens puissent porter le brassard One Love, symbole pourtant modéré de lutte contre les discriminations. Les joueurs allemands ont posé la main sur la bouche avant un match, pour signifier qu’on les bâillonnait. Les joueurs iraniens n’ont pas manqué de courage en refusant, par solidarité avec les manifestants de leur pays, de chanter l’hymne national.

Si la compétition est un instrument diplomatique pour ce petit émirat, c’est d’abord une grande foire commerciale organisée par les pays riches qui contrôlent la FIFA, avec un pactole à la clé pour un certain nombre d’entreprises.

Rappelons qu’en 2010, quand la FIFA attribua le Mondial 2022, la candidature des États-Unis s’opposait à celle du Qatar. Dans un cas, des entreprises américaines auraient raflé la mise ; dans l’autre, les firmes françaises étaient en meilleure position. Platini, alors président de l’UEFA, et Sarkozy derrière lui ont donc pesé pour la France, et la corruption a fait le reste. Moyennant quoi, des entreprises comme Eiffage, ­Accor, Alstom et tant d’autres ont touché le gros lot.

Les affaires négociées par Sarkozy ont fait leur effet sous Hollande et Macron. En 2015 et 2017, le Qatar a acheté à Dassault 36 avions Rafale, pour un total de 6 milliards d’euros, et a pris une option pour 36 autres. Un consortium RATP-Keolis a obtenu l’exploitation du métro de Doha, et Alstom un tramway local. Airbus vend des A320, etc.

Pour construire les stades et les installations, des centaines de milliers d’ouvriers népalais, bangladais, indiens ou égyptiens ont travaillé pendant des années, soumis à une exploitation féroce. Vinci est aujourd’hui mis en examen pour pratiques esclavagistes sur certains chantiers du Qatar : le constructeur aurait confisqué le passeport des travailleurs étrangers qu’il embauchait, les aurait payés entre 0,50 et 2 euros de l’heure, tout en les menaçant de licenciement ou d’expulsion en cas de protestation.

Pour les grands groupes capitalistes, peu importent les ouvriers tués à la tâche et quelle équipe repartira avec la Coupe : sans mouiller le maillot, ni marquer de but, ce sont eux qui touchent le vrai pactole.

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