Les 24 et 25 novembre 1912, le congrès de Bâle de l’Internationale socialiste14/12/20222022Journal/medias/journalnumero/images/2022/12/2837.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

il y a 110 ans

Les 24 et 25 novembre 1912, le congrès de Bâle de l’Internationale socialiste

Le congrès de la Deuxième Internationale, initialement prévu à Vienne en 1913, fut avancé d’un an devant le risque que la première guerre des Balkans se transforme en guerre mondiale. Il eut lieu à Bâle, en Suisse, les 24 et 25 novembre, réunit 550 délégués de 23 pays et se consacra à « la situation internationale et l’accord pour une action contre la guerre ».

L’ouverture du congrès fut précédée de manifestations contre la guerre, partout où les organisations du mouvement ouvrier étaient en capacité d’en organiser. Il fut l’occasion d’un meeting de 10 000 personnes contre le militarisme et la folie meurtrière qui menaçaient, résultats de l’exacerbation des rivalités entre grandes puissances impérialistes.

La planète avait été parta­gée, au ­bénéfice en particulier de la Grande-­Bretagne et de la France. D’autres États tels que l’Allemagne cherchaient à conquérir des territoires et se heurtaient à la mainmise de ces ­impérialismes repus. Chaque conflit qui opposait les différents pays capitalistes, directement ou non, menaçait d’être l’étincelle déclenchant un conflit mondial.

La première guerre des Balkans de 1912 résulta du jeu des impérialismes face à la révolte des différents peuples qui cohabitaient sous le joug de l’Empire ottoman et de l’Empire austro-hongrois. Entre 1815 et 1912, une série de guerres aboutit à la formation d’États indépendants aux dépens de l’Empire ottoman. Les nouveaux États de Grèce, Serbie et Roumanie se disputaient ses derniers lambeaux et se contestaient leurs frontières. Chacun était soutenu par l’Empire austro-hongrois ou russe ou une puissance européenne. En 1912, la Serbie et la Bulgarie, rejointes par le Monténégro et la Grèce, avec la caution de la Grande-Bretagne, s’allièrent et repoussèrent l’armée ottomane jusqu’aux portes d’Istanbul, alors Constantinople. Du fait des alliances contractées par chaque protagoniste, la guerre menaçait de se généraliser en impliquant directement les pays impérialistes. Ce ne fut pas le cas mais deux ans plus tard, le 28 juin 1914, l’assassinat du couple héritier du trône austro-hongrois par un nationaliste serbe allait donner le signal de la Première Guerre mondiale.

En 1912, l’Internationale regroupait un grand nombre de partis ouvriers ayant une réelle influence, et aussi des syndicats. Ces partis avaient des députés, tenaient des mairies, organisaient les travailleurs de multiples façons et jouaient un rôle de premier plan dans leur vie sociale.

L’Internationale avait pour programme le renversement de la société capitaliste et l’instauration d’une société socialiste dirigée par les travailleurs. Elle apparaissait comme un pôle capable de contrecarrer la politique de la bourgeoisie et d’opposer l’unité et la fraternité de la classe ouvrière aux rivalités nationales. D’ailleurs, face au conflit des Balkans, les petits partis serbe, bulgare et roumain prirent position contre la guerre et contre leur gouvernement malgré la répression. Les députés serbes refusèrent de voter les crédits de guerre.

Les partis socialistes défendaient la suppression de l’armée de métier et le désarmement. La guerre qui avait opposé, en 1904, la Russie et le Japon, avait suscité des débats bien plus concrets, d’autant que la défaite de la Russie avait débouché sur la révolution de 1905 suivie de vagues de grèves dans les pays impérialistes européens.

En 1907, lors du congrès de Stuttgart, les débats avaient laissé apparaître des désaccords profonds. Le député social-démocrate allemand Noske qui, quelques années plus tard, allait réprimer dans le sang la révolution allemande, déclara devant ses pairs qu’en cas de guerre les ouvriers socialistes devraient défendre leur patrie, montrant qu’une fraction minoritaire se plaçait déjà sur ce terrain. Les positions conquises par les partis socialistes dans les métropoles impérialistes, dans le contexte de l’amélioration du niveau de vie d’une partie de la population, favorisaient l’intégration d’une fraction de la classe ouvrière et de ses représentants dans la société bourgeoise. Bien que combattu et désavoué au sein de l’Internationale, le réformisme gagnait du terrain.

Une fraction des militants mettaient leurs espoirs dans la grève générale, convaincus que l’Internationale aurait le pouvoir d’arrêter la mobilisation guerrière. Les représentants de l’aile la plus radicale de l’Internationale, entre autres Rosa Luxemburg et Lénine, défendaient l’idée que les travailleurs devraient retourner leurs armes contre leurs propres dirigeants. La résolution finale du congrès de 1907 avait repris les formulations de Lénine : «Au cas où la guerre éclaterait néanmoins, les socialistes ont le devoir de sentremettre pour la faire cesser promptement et dutiliser de toutes leurs forces la crise économique et politique créée par la guerre pour agiter les couches populaires les plus profondes et précipiter la chute de la domination capitaliste. »

En 1912, le Congrès de Bâle confirma cette position et les délégués se séparèrent sur le slogan « guerre à la guerre. »

Pourtant, deux ans plus tard, en 1914, face à la généralisation du conflit, non seulement la Deuxième Internationale resta paralysée mais la plupart de ses dirigeants se rallièrent à l’union sacrée derrière leur gouvernement. La majorité des députés vota les crédits de guerre, et des dirigeants socialistes devinrent ministres, en France par exemple.

Des miltants restés révolutionnaires, dont les dirigeants allemands Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, le parti bolchévik et d’autres, ne sombrèrent pas dans le chauvinisme. La trahison de la majorité des dirigeants des partis sociaux-démocrates européens révélait leur adaptation au capitalisme alors que le développement de celui-ci et l’enrichissement de la bourgeoisie européenne par l’exploitation du reste du monde avaient rendu possible, pendant quelques années, la distribution de quelques privilèges à une partie des travailleurs et de leurs représentants politiques et syndicaux.

La minorité restée révolutionnaire allait être à l’origine de la constitution des partis communistes et de la troisième internationale, l’Internationale Communiste.

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