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Dans les entreprises
Créations d’entreprises : illusions entretenues et illusions perdues
Selon l’Insee 1,072 million d’entreprises ont été créées l’an passé, un record. Et les commentateurs enthousiastes d’en conclure que le pays fabrique un avenir radieux de bonheur capitaliste pour tous.
La réalité est nettement moins rose. Plus de 60 % de ces créations d’entreprises le sont sous le statut de micro-entrepreneurs. Qu’il s’agisse d’une activité indépendante en micro-entreprise ou d’un auto-entrepreneur dépendant d’une plateforme comme Uber, ce sont surtout des travailleurs contraints de renoncer aux quelques droits encore attachés au salariat. Pour eux, plus de congés payés, plus d’arrêt maladie, plus de limitation du temps de travail, plus de salaire minimum. Et plus non plus de camarades avec qui partager, auprès de qui apprendre, pour s’entraider, pour résister, pour ne serait-ce que souffler un peu.
Bien des micro-entrepreneurs sont en fait des travailleurs contraints de compléter un salaire indécent ou un temps partiel imposé en bricolant, en distribuant des prospectus, en tenant un stand sur un marché, en cousant ou en cuisinant sur leur temps libre.
Le remède aux bas salaires serait ainsi le double emploi et la semaine de 60 ou 80 heures. Et l’indépendance tant vantée de l’auto- entrepreneur est une fiction. C’est celle du livreur à vélo vis-à-vis de Deliveroo et du chauffeur à l’égard d’Uber. L’auto-entrepreneur est en fait un prolétaire qui n’a que sa force de travail à vendre et très peu de moyens pour discuter son prix. Quant au rêve de faire fortune, il a les mêmes ressorts, la même fréquence et la même réalité que celui des centaines de milliers d’apprentis footballeurs qui espèrent devenir Ballon d’or.
Les milliardaires ont tout intérêt à encourager cette illusion. C’est une soupape de sûreté dans cette société sans espoir. C’est aussi, croient les exploiteurs, la garantie de disposer de militants bénévoles du capitalisme, c’est-à-dire de partisans du chacun-pour-soi dans les rangs ouvriers. Sauf que la réalité de l’exploitation finit toujours par déchirer les illusions, et le plus farouche et naïf des auto-entrepreneurs se transforme alors en travailleur révolté, aux côtés de ses camarades.