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- Lutte ouvrière n°2852
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Leur société
Pêche : moins de poissons et de marins, plus de profits
Le 30 mars devait être une journée morte dans tous les ports de pêche, ponctuée de manifestations pour exiger une entrevue avec le secrétaire d’État à la Mer, voire avec le président.
Les patrons pêcheurs et leurs équipages protestent contre une décision de la Commission européenne interdisant d’ici 2030 le chalut de fond dans les zones maritimes protégées. D’après les professionnels, cette dernière mesure concernerait un tiers de la zone côtière et ruinerait un quart de la pêche européenne. Les pêcheurs allemands, néerlandais et danois ont d’ailleurs bloqué le port de Büsum, en mer du Nord, le 23 mars, et des navires néerlandais ont participé au mouvement à Boulogne le même jour.
En Bretagne, les manifestations sont parties des petits patrons qui ont manifesté à Rennes, le 22 mars, puis à Lorient, Concarneau et Le Guilvinec les jours suivants, bientôt rejoints par ceux des autres régions. Ils n’ont pas attendu le Comité national des pêches, organisme regroupant tous les patrons de la filière, affirmant avec raison que ce Comité est sous l’influence des grands armements. Il en est des pêcheurs comme des paysans, leurs organismes professionnels dits représentatifs sont sous la coupe des capitalistes du secteur, qui ont leurs entrées dans les ministères et à la Commission européenne et bénéficient de lois et de subventions sur mesure. Les petits patrons pêcheurs ne sont écoutés qu’après de vigoureuses protestations et sont subventionnés plus souvent pour cesser leur activité que pour la continuer. Quant aux salariés, aux dizaines de milliers de marins et d’ouvriers des ports, des conserveries et de la logistique, ils n’ont pas droit à la parole. La survie de leurs employeurs doit suffire à leur bonheur, sinon, Pôle emploi y pourvoira.
La menace venant de la Commission européenne est certes toute relative puisque les ministres des principaux pays de pêcheries, France, Espagne, Allemagne, Pays-Bas, Danemark, s’y opposent. Mais, s’ajoutant à bien d’autres, elle apparaît comme une provocation. Les patrons pêcheurs dénoncent pêle-mêle la restriction des zones de pêche consécutive au Brexit, le prix exorbitant du carburant, la pression croissante des associations écologistes et toutes les mesures venant de l’État et de l’Europe, dont l’interdiction possible du chalut de fond. Mais le problème est bien plus grave. Il est vrai que les ONG écologistes ont souvent un souverain mépris pour les travailleurs de la mer, leurs conditions de vie et même leurs emplois, mais le fait est que l’océan a été vidé de ses poissons, particulièrement en Europe de l’Ouest, et les pêcheurs en subissent déjà les conséquences.
Le volume pêché se maintient en développant des techniques industrielles, des filets plus grands et plus profonds, tirés par de plus gros moteurs, par exemple. À ce jeu, ce sont les bateaux-usines des plus gros armements, ratissant toutes les mers du globe, qui gagnent. Les petits pêcheurs sont évincés, les équipages licenciés et les harengs décimés. Les États et la Commission européenne, entièrement à la dévotion des grands armements, accompagnent cette évolution. Les petits patrons, les ONG et les harengs n’ont pas les moyens de l’empêcher. Les travailleurs, en mer comme à terre, eux, le peuvent.