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Leur société
Lactalis : la famille Besnier fait son beurre
Nombre de petits exploitants parmi les 80 000 producteurs de lait recensés en France parviennent à peine à se verser un véritable revenu. Et ce, bien que le prix auquel il leur est acheté ait connu une hausse sensible, aussitôt répercutée, et souvent bien au-delà, par les groupes de la grande distribution.
Le business du lait nourrit en revanche grassement les industriels de la filière, tels Danone, Savencia, Bel et Sodiaal, à commencer par le plus puissant, Lactalis, et son PDG, Besnier. Ce dernier collecte environ 60 % du lait en France, mais le prix auquel le numéro un mondial du secteur récupère cette matière première, transformée ensuite en produits variés (poudre, fromage, beurre, crème, etc.) est loin de permettre de vivre aux exploitants qui lui sont liés par des contrats exclusifs. Un quart se trouvent sous le seuil de pauvreté, souvent avec des revenus inférieurs au RSA. Des milliers font faillite chaque année.
Depuis la suppression en 2015 des quotas, qui avaient pour but d’en finir avec les excédents de la période précédente, les prix connaissent des variations permanentes, en fonction des rapports de force entre industriels et distributeurs et de la spéculation, comme pour la poudre de lait qui est à la base d’un vaste commerce international.
Dans ce bras de fer, les petits exploitants sont toujours perdants. Avec Lactalis, ils doivent s’engager par contrat à produire un certain nombre de litres, sans même connaître le prix d’achat. Et le groupe laitier dispose de mille moyens pour contraindre les producteurs à se plier à ses diktats sans pouvoir sortir de ses griffes. Sa part de marché est telle qu’il peut menacer quiconque de ne plus ramasser son lait, le laissant ainsi sans solution viable. Et il ne se prive pas de mettre cela à exécution.
Lactalis peut pousser à l’achat de nouveaux équipements : des cuves de stockage ou des robots de traite (qui coûtent entre 100 000 et 150 000 euros, non compris les travaux et les frais de maintenance). Il dispose pour cela d’une armée de « contrôleurs laitiers » sur le territoire prêts à fournir leurs bons conseils et les solutions matérielles, aux frais des producteurs bien sûr. Ceux-ci se retrouvent lourdement endettés, auprès des banques, principalement le Crédit Agricole, voire de Lactalis lui-même. Dans ce cas, s’ils se trouvent dans l’impossibilité d’en assurer la charge, celui-ci prélève directement la somme qu’il estime lui être due sur la « paye du lait » qui leur est versée !
Cette pression constante de l’agro-industrie et la mécanisation ont accéléré depuis les années 1960 la ruine des plus petits exploitants et la concentration de la filière, au point qu’un industriel fortuné du BTP s’était lancé il y a quelques années dans le projet d’une « ferme à mille vaches » dans la Somme.
Créée dans les années 1930 en Mayenne, l’entreprise Besnier est restée dans le giron de la famille. Son actuel PDG, Emmanuel Besnier, y voit un « exemple presque parfait des succès du capitalisme familial à la française ». Avec une fortune estimée à environ 15 milliards, au neuvième rang français, il a de quoi être content ! C’est un exemple surtout de la dictature des grandes familles bourgeoises : lui, sa sœur et son frère sont en effet les seuls actionnaires d’une entreprise qui emploie environ 85 000 salariés dans ses usines réparties dans 56 pays. En dévorant la plupart de ses concurrents en Europe, dont l’italien Parmalat, et aussi en Chine, au Brésil et aux États-Unis, le groupe est devenu un des leaders du secteur et même désormais, avec 28 milliards d’euros de chiffre d’affaires, le numéro un mondial des produits laitiers, et l’un des dix plus puissants groupes agroalimentaires.
À cette politique de Lactalis, commune à tous les grands groupes capitalistes, se sont parfois ajoutées les méthodes d’un patron de choc. Outre les pressions à l’encontre des éleveurs et des salariés, Lactalis et son patron sont également coutumiers des méthodes d’intimidation envers des journalistes et tous ceux qui prétendent les empêcher de faire leur beurre en paix.