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Leur société
Mayotte : les travailleurs subissent le chaos
Cela fait désormais cinq semaines que l’île de Mayotte est paralysée par des groupes traquant les étrangers. Baptisés Forces vives, ceux-ci prétendent représenter tous les corps constitués de l’île, unis pour faire face à l’insécurité.
Après la visite de Darmanin, les porte-parole de ce mouvement avaient annoncé la suspension des barrages. Ils voulaient entamer des négociations avec l’État sur la suppression du titre de séjour territorialisé et apparaître ainsi comme des interlocuteurs incontournables. Mais une partie importante des barragistes a décidé, elle, de maintenir les blocages. L’arrivée prévue le 27 février de la ministre déléguée aux Outre-mer y a sans doute contribué.
Cette poursuite des blocages a aussi été motivée par la condamnation de deux membres des Forces vives à quatre ans de prison pour avoir attaqué la gendarmerie de Saada début février. Il a été certes plus facile pour la justice de s’en prendre à des « petits bras » qu’aux élus et notables de tout bord qui soufflent sur les braises. Les politiciens d’extrême droite, prompts à condamner les « voyous » et l’insécurité, se gardent bien de dénoncer cet assaut mené par des partisans de leurs idées. À gauche, ceux qui s’expriment reprennent les objectifs des Forces vives, alimentant eux aussi la xénophobie. Ainsi, une ancienne candidate LFI aux législatives a affirmé que « tout est parti du campement de Cavani », c’est-à-dire du camp de réfugiés.
Dans ce contexte, l’État a multiplié ses attaques contre les étrangers. Une partie du campement de Cavani a été démantelée par la police le 25 février, réduisant à néant les abris de fortune que les réfugiés s’étaient construits. Si une partie de ces migrants ont été envoyés en métropole, d’autres ont été expulsés vers la République démocratique du Congo où la guerre fait rage.
Au milieu de cette crise, la vie quotidienne des travailleurs devient de plus en plus compliquée. À l’angoisse ressentie par ceux qui n’ont pas de papiers, aux divisions semées au sein même des quartiers pauvres, s’ajoute la désorganisation économique. La pénurie de gaz, indispensable sur l’île pour cuisiner, inquiète les familles. Les queues s’allongent devant les magasins.
Quant à ceux qui n’ont pas pu se rendre à leur travail du fait des barrages, ils se demandent s’ils vont être payés. Les patrons laissent planer le doute et mettent en avant leurs prétendues difficultés. Pourtant, ils obtiennent déjà des facilités de l’État, pour reporter leurs cotisations ou pour bénéficier du système de chômage partiel. Des subventions sont en outre à l’étude. Mais les travailleurs qui se retrouvent sans salaire, eux, ne pourront pas demander un report de paiement de leurs courses au magasin ou de leur facture d’électricité ! Et pendant que la présidente du Medef local réclame des réductions de cotisations et des subventions, bon nombre de ceux qui font tourner l’île n’ont ni contrat ni papiers, et se retrouvent sans aucun revenu depuis plus d’un mois. Alors, si les patrons peuvent compter sur l’État pour voler à leur secours, les travailleurs ne doivent compter que sur eux-mêmes pour se défendre.
Cette crise est une conséquence de l’aggravation générale de la pauvreté, dans une région marquée par l’héritage colonial de la France. Face à cela, les affrontements jetant une partie de la population contre une autre, et où on présente les étrangers comme les ennemis responsables de tout, sont un piège. Ils mènent à une guerre sans issue entre pauvres. La première chose est d’en prendre conscience.