Avortement : un droit arraché de haute lutte22/01/20252025Journal/medias/journalarticle/images/2025/01/P5-1_Manifestation_ivg_en_juillet_2023_c_lo.jpg.420x236_q85_box-0%2C0%2C799%2C450_crop_detail.jpg

Leur société

Avortement : un droit arraché de haute lutte

Il y a cinquante ans, l’État français tournait officiellement la page du Code Napoléon de 1810 punissant de prison les femmes qui avortaient ou ceux qui les aidaient à le faire, aggravé en 1920 d’une loi criminalisant « la provocation à l’avortement et la propagande anticonceptionnelle ».

Illustration - un droit arraché de haute lutte

Ce progrès législatif s’est matérialisé dans la loi Veil du 17 janvier 1975 dépénalisant l’avortement. Aujourd’hui dans les cercles du pouvoir, il est de bon ton de rendre hommage à Simone Veil, et de la présenter comme une grande féministe. Cette ministre de la Santé a effectivement dû batailler contre les préjugés sexistes de bien des hommes de son propre camp pour arracher le vote de la loi à l’Assemblée en 1975. Mais après tout, c’était son choix de faire une carrière ministérielle au sein de cette droite qui a si souvent freiné des réformes de société progressistes.

La véritable lutte pour le droit à l’avortement ne s’est pas déroulée à l’Assemblée et n’avait pas comme combattante Simone Veil. Ce mouvement, étendu sur des années, accéléré par Mai 68, a mobilisé des dizaines de milliers de militantes. S’organisant au sein du Planning familial ou du Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception (MLAC), dont Lutte ouvrière et Arlette Laguiller étaient parties prenantes, elles ont mis sur pied des centres où étaient pratiquées des interruptions volontaires de grossesse, au su des autorités qui n’osaient pas les réprimer.

C’était une contestation ouverte des lois antiavortement dont l’injustice et l’hypocrisie ont aussi été dénoncées en 1971 par 343 femmes, dont certaines célèbres, qui ont déclaré publiquement dans un manifeste : « Nous avons avorté ». Le gouvernement n’osa pas réagir et entamer des poursuites judiciaires à leur encontre. Il n’osa pas non plus s’en prendre l’année suivante aux 331 médecins qui affirmaient à leur tour : « Nous avons pratiqué des avortements ». Peu de temps auparavant, au procès de Bobigny, une jeune fille qui avait avorté suite à un viol et sa mère qui l’y avait aidée furent acquittées fin 1972.

Les lois antiavortement étaient désormais ouvertement bafouées. À moins de s’affronter à une part de plus en plus grande de l’opinion publique qui sympathisait avec ce mouvement de contestation actif, le gouvernement de droite n’avait plus qu’à les abroger. En fait elles étaient devenues inapplicables, malgré les opinions réactionnaires de beaucoup de ses députés. Ce fut la tâche de la ministre qui dut subir de la part de ces messieurs des injures sexistes et des menaces.

Sa loi, qui selon Simone Veil elle-même « si elle n’interdit plus, ne crée aucun droit à l’avortement » fut votée. Quant à la possibilité pratique d’obtenir une interruption volontaire de grossesse sans délai, en toute sécurité et gratuitement, un demi- siècle après elle reste incomplète pour bien des femmes. L’introduction du droit à l’avortement dans la Constitution l’an dernier ne garantit rien non plus si le gouvernement réduit le financement des services hospitaliers qui le pratiquent, les obligeant à fermer.

Pour que le droit à l’avortement ne figure pas uniquement dans des textes législatifs mais soit vraiment effectif, le combat continue.

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