- Accueil
- Lutte ouvrière n°2908
- Derrière le salaire provocant de Tavares, tout un système à renverser
Editorial
Derrière le salaire provocant de Tavares, tout un système à renverser
Le scandaleux salaire annuel de Carlos Tavares, directeur du groupe Stellantis, a choqué. 36,5 millions d’euros, c’est 100 000 euros pour chacun des 365 jours de l’année. Un travailleur au smic mettrait plus de 1 500 ans pour gagner une telle somme. Ce décalage est ahurissant mais il est à l’image du fonctionnement de la société.
Si ce salaire est astronomique, que dire de la somme de 6,6 milliards d’euros qui a été versée aux actionnaires de Stellantis ? C’est la raison pour laquelle ils ont voté avec enthousiasme cette rétribution à Tavares. Il a considérablement accru la rentabilité de leur groupe, en supprimant des dizaines de milliers d’emplois, en fermant de nombreuses usines en France, en Europe et en Amérique.
C’est au point que le groupe, avec plus de 18 milliards d’euros de profit, réalise le deuxième meilleur résultat du CAC 40, juste derrière le pétrolier TotalEnergies, mais devant le groupe de luxe LVMH de Bernard Arnault, l’homme le plus riche du monde. Quand les capitalistes ont un si bon serviteur, ils le récompensent !
C’est ce système-là que soutiennent les dirigeants comme Macron, Le Pen, jusqu’à ceux de la gauche de gouvernement. Ils sont convaincus que le capitalisme est le meilleur des systèmes possibles et sont acquis à la bourgeoisie. Le Premier ministre, Gabriel Attal, a fait mine de s’indigner mais, à part dire que cette rémunération était « démesurée, stratosphérique, choquante aux yeux de certains », qu’a-t-il proposé ? Quant à Le Pen et Bardella, ils n’avaient rien à déclarer.
Le fait est que la classe capitaliste accapare les richesses. Et pour quelle raison ? Le « mérite » et le « travail », pour reprendre les expressions du gouvernement qui n’a que ces mots à la bouche, n’ont rien à voir avec cela. Cette classe n’est même plus aux commandes de ses propres affaires. Elle paye des Tavares pour les prendre en charge à sa place.
La seule classe créatrice de la société est celle des travailleurs. Toute la richesse produite vient de l’activité collective des ouvriers, des employés et des ingénieurs, ceux des entreprises des secteurs industriels, agricoles, de la restauration, du ménage, etc. La société repose aussi sur ceux dont le travail ne crée peut-être pas directement des richesses mais dont le métier est vital, comme les soignants, les enseignants, les cheminots.
Mais, au nom de la propriété privée des moyens de production, les capitalistes sont les maîtres du profit et détiennent le pouvoir de décision absolu dans leurs entreprises, qui représentent une part énorme de l’économie. Cette position leur donne une autorité sur toutes les petites entreprises qui les entourent et une puissance économique telle que l’État, lui-même, est à leur botte.
Nombre de très hauts fonctionnaires ont travaillé dans leurs entreprises. Quant aux responsables politiques, s’ils sont élus par la population, la classe capitaliste les considère comme son personnel politique. Chirac a fini sa vie dans un luxueux hôtel particulier parisien du milliardaire François Pinault. C’est anecdotique mais révélateur de ces rapports entre la bourgeoisie et les représentants de l’État.
La bourgeoisie peut aussi compter sur des policiers, des juges, sur tout un appareil de répression. Ce rôle fondamental de l’État, dissimulé en période de calme social, ressort dès qu’il y a des révoltes. Ne serait-ce que parce que, lorsque des ouvriers se battent pour leur salaire, comme ceux de Vertbaudet en 2023, ils trouvent en face d’eux la justice et les CRS.
Demain, les dirigeants politiques nous transformeront peut-être en soldats des guerres qu’ils préparent. Les plus jeunes d’entre nous passeront sous les ordres d’officiers et de généraux. Ceux-ci nous diront que c’est pour défendre la patrie ou la liberté, mais ce sera encore pour le compte de la bourgeoisie.
Le langage des politiciens qui gouvernent ou se préparent à le faire est fait pour brouiller les cartes et masquer cette lutte des classes. Ces partis politiques qui semblent s’opposer sont en réalité au service du même camp social, celui de la bourgeoisie.
Ne faisons confiance qu’à notre propre classe, celle des travailleurs. Notre survie collective, pour un emploi et un salaire permettant une vie digne, ne dépendra que de notre combat. Et nous devons avoir comme objectif de renverser ce système capitaliste qui fait de nous des exploités.
Nathalie Arthaud