États-Unis : après la victoire de Trump et des républicains06/11/20242024Journal/medias/journalnumero/images/2024/11/une_2936-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C0%2C1264%2C1640_crop_detail.jpg

Dans le monde

États-Unis : après la victoire de Trump et des républicains

Le 5 novembre, Trump a remporté nettement l’élection présidentielle et les républicains semblent également en mesure de l’emporter dans les deux Chambres du Congrès. L’administration Biden-Harris et les démocrates sont sanctionnés.

En 2020, Trump avait déjà une base électorale importante, avec 74 millions de voix, soit 12 millions de plus qu’en 2016. Les États- Unis comptent tout un électorat réactionnaire, pro-capitaliste et anticommuniste, parfois religieux, parfois raciste, ou un peu de tout cela à la fois. Cette fois-ci, Trump a élargi sa base, en gagnant non seulement la bataille du collège électoral, c’est-à-dire les grands électeurs, mais aussi celle du « vote populaire », avec peut-être 80 millions de suffrages. Il a sans doute bénéficié du bilan désastreux de l’administration Biden-Harris.

Si les plus riches ont beaucoup gagné ces dernières années, de nombreux Américains, en particulier dans les classes populaires, ont vu leur niveau de vie se dégrader, avec une inflation de 25 % en quatre ans et des salaires qui n’ont pas suivi. Des millions de personnes ont perdu leur travail et ont dû prendre deux, voire trois emplois précaires et mal payés. Dans les classes populaires, certains, faute de pouvoir payer un vrai logement, vivent dans une caravane, voire dans leur voiture. Des personnes âgées en sont réduites à distribuer des catalogues ou à dépendre de l’aide alimentaire. Certains travailleurs, désorientés, se sont donc rabattus sur Trump, pourtant leur ennemi patenté. L’absence d’un parti représentant leurs intérêts se fait sentir.

Le discours anti-migrants de Trump, y compris ses saillies les plus ordurières et les plus racistes, a sans doute aussi payé. Les États-Unis sont un pays d’immigration, et en même temps le racisme est au cœur de leur histoire : l’esclavage, la ségrégation, les mouvements anti-immigrés au 19e siècle ou encore l’internement des Japonais-Américains pendant la Deuxième Guerre mondiale, l’ont marquée. Aujourd’hui, alors que la condition des classes populaires se dégrade et que s’exprime la peur d’un certain déclassement, les Haïtiens ou les Sud-Américains deviennent parfois des boucs émissaires.

Trump, une rupture politique ?

Trump s’est engagé dans ses discours à entreprendre la plus grande campagne d’expulsions de migrants de l’histoire du pays. Si la construction de frontières étanches, au sud et même au nord du pays, est illusoire et participe de la démagogie du milliardaire, la politique migratoire sera probablement durcie. Cependant, les États- Unis comptent quelque 45 millions d’étrangers, qui ne seront évidemment pas tous renvoyés. Dans de nombreux secteurs de l’économie, comme le bâtiment, les travaux publics, l’industrie agro-alimentaire, l’agriculture, le nettoyage ou la sécurité, le patronat a besoin des travailleurs immigrés. En revanche, une politique plus dure dégradera encore leur situation, et risque d’encourager le racisme au quotidien et les violences de la police et des milices qui patrouillent déjà à la frontière mexicaine.

Le droit à l’avortement a reculé en 2022, avec l’arrêt de la Cour suprême qui a autorisé les États à interdire l’IVG. Depuis, quatorze États républicains ont interdit l’avortement, et trois autres États l’ont interdit après les six premières semaines de grossesse, et Kamala Harris avait fait du droit à l’IVG un argument de campagne. Dans dix États, des référendums étaient organisés pour inscrire le droit à l’avortement dans la Constitution de l’État, et dans sept cas sur dix, une majorité d’électeurs ont voté en ce sens.

Dans la guerre qui oppose la Russie à l’Ukraine, les dirigeants européens, qui ne sont pas avares de déclarations belliqueuses mais ont compté sur les États-Unis pour mettre la main à la poche, craignent que Trump impose à Zelenski un règlement négocié. Mais, malgré l’imprévisibilité de Trump et ses discours isolationnistes, les États-Unis ne cesseront évidemment pas de soutenir militairement leurs alliés et leurs pions. L’impérialisme américain ne peut renoncer à défendre ses intérêts, notamment face à la Chine dans le Pacifique et en Asie du Sud-Est. En outre, le militarisme fait tourner l’industrie de défense américaine, que Trump et les républicains soutiennent ardemment.

Au Moyen-Orient, Trump est un soutien inconditionnel d’Israël, mais Kamala Harris l’a été à sa manière avec Biden, et pendant la campagne elle a réaffirmé son soutien à la guerre d’Israël contre les Palestiniens, les Libanais et peut-être demain l’Iran. Il est d’ailleurs notable que, par exemple dans le Michigan, de nombreux Arabes américains, parfois originaires du Liban ou de Palestine, ont refusé de voter pour elle, malgré leur détestation de Trump.

Et maintenant ?

Les milieux d’affaires ont l’habitude de l’alternance, et certains capitalistes financent les deux candidats, ou se sont gardés de tout soutien, à l’instar de Mark Zuckerberg (Meta) ou Jeff Bezos (Amazon). Au cours de la campagne, Harris a recueilli plus de fonds que son rival, sans doute parce qu’elle incarnait une forme de stabilité. Mais le milliardaire Trump était soutenu par de nombreux capitalistes, à commencer par Elon Musk. Le patron mégalomane de Tesla, X et SpaceX, qui a fait campagne pour Trump, est bien ingrat : sa fortune, qui atteignait déjà 25 milliards de dollars en 2020, a été multipliée par dix sous Biden. Et puis, Trump a déjà été au pouvoir, et les capitalistes savent que leurs intérêts seront bien défendus.

Il est possible que le succès de Trump se traduise par un racisme plus décomplexé, divisant les travailleurs encore plus qu’ils ne l’étaient, en fonction de la couleur de leur peau, de leur nationalité, ou encore de leur date d’arrivée dans le pays, de nombreux immigrants plus ou moins anciens ayant même voté pour Trump. Une victoire de Harris n’y aurait pas forcément changé grand-chose, mais le fait qu’un homme qui compare les migrants à des animaux obtienne 80 millions de voix est un problème pour la classe ouvrière. Ces dernières années, elle n’a guère été présente politiquement. Les grèves dans l’automobile ou plus récemment chez Boeing, certes dispersées et menées par des directions syndicales bureaucratiques, ont néanmoins montré que les travailleurs américains peuvent se battre pour leurs intérêts, au moins sur le terrain économique. C’est là que réside le seul espoir, pour l’ensemble des classes populaires, de voir s’ouvrir d’autres perspectives politiques que cette éternelle alternance entre deux représentants de leurs exploiteurs.

Partager