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Dans le monde
Fonds marins : la raison du plus fort
Le 6 novembre, les gouvernements américain et japonais ont signé un accord pour l’exploitation conjointe des fonds marins autour de l’îlot de Minamitori, à 2000 km au sud-est du Japon, en plein océan Pacifique.
À partir de janvier 2026, les fonds seront creusés 5 000 mètres sous la surface, 350 tonnes de boue extraites chaque jour, de façon à mesurer leur teneur en minéraux exploitables, dont certaines terres rares en particulier. L’exploitation industrielle, impliquant l’extraction et le raffinage sur place de millions de tonnes de boue, pourrait commencer en 2027.
Les scientifiques qui étudient les fonds marins, leur géologie, leur faune et leur flore, expliquent pourtant à quel point il est stupide, et peut-être dangereux et irréversible, de détruire un milieu dont on ne sait encore que très peu de chose. Il est évidemment plus difficile, plus long et plus coûteux de prélever prudemment des échantillons sous 5 000 mètres d’eau, de cartographier l’immense fond océanique, d’essayer de comprendre son fonctionnement et son évolution, que d’envoyer des pelleteuses sous-marines saccager ce que la nature a mis des centaines de millions d’années à accomplir.
Les avis des scientifiques, l’idée de la responsabilité vis-à-vis de la nature et des générations futures n’ont pas tenu devant l’appât du gain, pas plus que les lois, le droit et les accords internationaux. Depuis les premiers forages offshore, en 1947, et surtout depuis qu’ils sont devenus rentables, à partir de la hausse des prix du pétrole en 1973, les accords internationaux n’ont cessé d’étendre les limites des zones maritimes dévolues à chaque pays. Il fallait laisser de plus en plus d’espace aux compagnies et étendre les frontières en mer pour réglementer la concurrence. Maintenant que des minéraux sont recherchés jusqu’au fond des océans, à des milliers de kilomètres de toute terre, les organismes internationaux ont bien du mal à réglementer la prospection et l’exploitation dans les zones internationales.
Dans ce domaine comme dans d’autres, la politique de Trump consiste à imposer un rapport de force. Depuis le début de l’année il a signé trois accords de prospection dans les fonds marins, en dehors de toute législation encadrant cette activité. De plus, il a pris en avril un décret permettant à l’administration américaine d’autoriser des forages dans les eaux internationales et, en juillet, son administration a autorisé une telle opération dans le Pacifique. Les autres grands pays intéressés, à commencer par la France et son immense domaine maritime, se sont bornés à une protestation polie et étudient en fait le moyen de se lancer dans la course.
Réponse du berger à la bergère, le 8 novembre la Chine envoyait un navire d’exploration des fonds marins, et particulièrement de leurs ressources minières, aux îles Cook. Puis, le 20 novembre, Trump ouvrait 500 millions d’hectares supplémentaires de zones maritimes américaines à l’exploration pétrolière.
Les accords maritimes internationaux bénissent déjà les bateaux-usines, les porte-conteneurs géants et les plateformes pétrolières des grandes compagnies. Les trusts miniers n’attendent même pas de tels accords pour procéder à leurs opérations sous-marines, l’océan dût-il en mourir.