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- Lutte ouvrière n°2904
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Leur société
La Provence : la Une qui n’a pas plu à Macron !
Durant trois jours, du 23 au 25 mars, le quotidien régional La Provence n’est pas paru, les journalistes ayant très majoritairement voté une grève illimitée suite à la suspension du directeur de la rédaction par la direction du journal, propriété du groupe CMA-CGM.
À l’origine de la colère des journalistes, se trouvait la mise en cause de la Une du journal du 21 mars, qui titrait deux jours après l’opération politique de Macron dans la cité marseillaise de La Castellane : « Il est parti, et nous, on est toujours là... » La direction a prétendu que cette Une pouvait passer pour un « hommage » aux dealers, alors que la phrase complète dans un article du jour était clairement attribuée à un habitant de la cité et finissait par « ...on est toujours là, dans la même galère » !
Le désaveu de la rédaction par la direction du journal était le fait du prince. Alerté par des élus macronistes locaux, Macron n’a eu qu’à manifester son mécontentement auprès de son ami l’armateur milliardaire Rodolphe Saadé, à la tête du groupe CMA- CGM et propriétaire de La Provence depuis 2022. La direction s’est alors inclinée, avec excuses et sanction.
Indignés de cette ingérence, les journalistes ont décidé la grève illimitée. À un rassemblement, une pancarte affichait : « Nos infos, c’est pas du travail d’a(r)mateur ». La grève n’aura duré que trois jours, le directeur de la rédaction suspendu ayant été réintégré au bout de deux. Elle tombait effectivement mal pour Saadé, alors qu’il s’efforce de montrer patte blanche pour racheter BFM et RMC, après avoir acquis M6 et le journal La Tribune en 2023 !
Après avoir assis sa domination sur le transport maritime, l’affairiste se bâtit un empire dans les médias. Il peut ainsi renvoyer l’ascenseur à ses amis, tant il est vrai que l’essor de son groupe multinational doit beaucoup aux relations politiques entretenues au sommet de l’État, de Chirac à Macron. Son journal se devait donc de relayer la communication présidentielle, plutôt que de rendre compte du mécontentement des habitants devant ce défilé. « Toute cette mascarade de communication me dégoûte », déclarait l’un d’entre eux.
Cette Une de La Provence n’était qu’un reflet de ce que vivent les habitants et les jeunes des cités. Lorsque la lumière du show médiatique et sécuritaire s’éteint, il reste la galère quotidienne, avec l’appauvrissement dû au chômage, les transports en berne, les écoles délabrées, et le trafic de drogue qui prospère sur le désespoir d’une fraction de la jeunesse : tout ce qu’il ne faut pas dire !